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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1842.


L’Espagne nous présente encore un de ces évènemens dont on ne sait ni démêler les causes, ni prévoir l’issue. On attend des nouvelles décisives de la Catalogne avec d’autant plus d’impatience, que nul n’ose se livrer à ses propres conjectures et avoir un avis sur l’insurrection de Barcelone.

Qui a fait tout à coup éclater la colère des Catalans contre Espartero ? Qui leur a mis les armes à la main ? Est-ce là une explosion purement municipale, un emportement de l’industrie barcelonaise ? Le parti républicain est-il complètement étranger à ces luttes sanglantes ? n’est-ce pas à Barcelone qu’il avait dressé ses tentes et qu’il épiait l’occasion d’un combat, d’un succès ? On peut aussi se demander si, parmi ces hommes qui se ruaient sur les troupes d’Espartero et en tuaient surtout les officiers, ne se cachaient pas des christinos, peut-être même des carlistes. Les partis sont long-temps vivaces en Espagne ; ils cachent sous une indolence qui les fait oublier une ardeur incessante. Ils sont toujours prêts à éclater ; c’est un feu qu’il n’est pas nécessaire de raviver, il suffit de le découvrir.

Toute conjecture paraît plausible au premier abord, et, en réalité, toute conjecture est également hasardée. Le gouvernement espagnol lui-même n’en sait pas plus que nous, ou il garde rigoureusement son secret. Il n’a rien dit au public ni aux cortès sur les causes et sur les fauteurs du mouvement barcelonais. Les cortès à leur tour, sénat et chambre des députés, ont gardé le même silence. Est-ce que personne n’oserait dire sa pensée tout entière ?

Nous ne serions pas étonnés d’apprendre un jour que l’insurrection de la Catalogne a été un fait très complexe. Ce qui peut le faire présumer, c’est la conduite des insurgés. Audacieux, violens au moment de l’explosion, ils paraissent manquer depuis lors de résolution, d’énergie. On dirait qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent ; ils se tiennent sur la défensive. Une insurrection qui ne songe plus qu’à se défendre est à moitié vaincue. Cette inaction, cette perplexité est due peut-être au concours, dans la même entreprise, de partis divers, opposés même, qui, d’accord un moment, n’osent pas cependant se