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INAUGURATION DE LA WALHALLA.

Les observations auxquelles pourraient donner lieu ces listes de noms, célèbres à tant de titres divers, se presseraient en foule, pour peu que l’on fût disposé à les soumettre à une analyse sévère. On pourrait demander, en premier lieu, si tous ces noms appartiennent bien proprement à la nation germanique, si, par exemple, et même en admettant la prétention qui fait de Clovis un Allemand, en qualité de roi des Francs, la même prétention peut être soutenue avec quelque apparence de raison pour les deux Pépin, pour Charles Martel et pour Charlemagne, et peut-être serait-il permis de dire qu’enlever ces quatre noms à la France, c’est lui arracher quatre de ses plus belles provinces ; c’est faire plus d’un trait de plume qu’on ne fit même après la bataille de Leipzig. Peut-être aussi pourrait-on s’étonner de la place accordée dans ce panthéon germanique à des noms tels que ceux de Genséric et d’Alboin, d’Hengist et d’Horsa, d’Alaric et d’Odoacre, qui ne rappellent que des images de violence et de destruction, de meurtre et de pillage, sans aucune des idées d’humanité et de civilisation qui doivent être ici les véritables titres de gloire. Ce n’est sans doute pas d’avoir ravagé l’Angleterre et dévasté l’Italie au Ve siècle qui fait l’honneur de l’Allemagne au XIXe, et en admettant que ces conquérans barbares fussent en effet ses enfans, ce ne sont pas ceux dont on doit recommander la mémoire et proposer l’exemple à ses peuples. Il est vrai que tant de noms chers à l’humanité, à la science et à la religion, sont ici associés à ces noms funestes, que l’impression pénible qu’ils produisent s’en trouve considérablement adoucie. Genséric, placé comme il l’est entre deux évêques orthodoxes, ne paraît plus l’atroce persécuteur de l’église catholique d’Afrique ; l’on dirait que partout une main ingénieuse s’est appliquée à tempérer l’éclat de ces renommées fondées sur le malheur des hommes, en les entourant de célébrités plus douces et plus légitimes. Il semble même que, dans cet amalgame de noms disparates et d’illustrations contradictoires, il y ait une pensée de conciliation qui se révèle à une observation attentive. Wittekind et Charlemagne, unis et rapprochés dans le temple de la Gloire après s’être combattus sur tant de champs de bataille, résument pour ainsi dire, par cette image salutaire, la pensée qui a présidé à la décoration de la Walhalla ; devant ces deux grands noms qui ont cessé ici d’être ennemis, comment la critique ne se sentirait-elle pas désarmée ?

Il n’y aurait pas moins de réflexions à faire au sujet des bustes qui sont placés à la Walhalla ou de ceux qui y manquent, s’il était