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destal, s’arrêtant sur chaque palier pour entendre les concerts d’éloquence et de poésie célébrés en son honneur, arrivant enfin, de degrés en degrés, jusqu’au portique du temple, qui s’est offert à chaque pas sous des aspects nouveaux, tandis qu’à chaque pas aussi la vaste plaine qu’arrose le Danube et le riche amphithéâtre des montagnes qui l’enferment se développent sous mille formes variées, et l’on n’aura qu’une faible idée de tout ce que l’art et la nature, employés ici pour se faire valoir l’un l’autre, peuvent produire d’impressions de fête et de bonheur, d’images de gloire et de patriotisme. Telle est donc la magie des lieux et des monumens, quand ils sont appropriés les uns aux autres par un art ingénieux, que tout s’anime en leur présence, que les pierres même ont un langage et la matière une poésie. Et pourtant, j’avais vu ces superbes escaliers de la Walhalla déserts, et cette scène magnifique qu’elle couronne, je l’avais trouvée voilée par la pluie ! Que serait-ce donc si j’avais monté les degrés qui y conduisent au milieu de ces pompes de la royauté et de la patrie que je rêvais en idée, aux accens d’une musique forte et sévère accompagnant les hymnes de gloire, et dans tout l’éclat d’un beau jour ? Je ne crains pas de le dire : ces gigantesques substructions de la Walhalla sont une des plus belles créations de l’art moderne ; elles étaient sans exemple dans l’antiquité, comme le monument même auquel elles servent de piédestal ; elles s’accordent merveilleusement avec sa destination ; elles l’agrandissent de tout ce qu’elles ajoutent à son effet moral, encore plus qu’à sa hauteur réelle, et c’est bien là, en effet, l’escalier d’un temple de la Gloire.

L’effet de l’intérieur du temple n’est pas moins neuf, moins imposant, et ne fait pas moins d’honneur au prince qui en a conçu l’idée et à l’artiste qui l’a réalisée. La forme du temple dorique grec, qui est celle d’un carré long, entouré à l’extérieur d’un péristyle de colonnes, devait se retrouver à l’intérieur dans une longue cella, renfermant des bustes de grands hommes rangés à diverses hauteurs le long des quatre parois de l’édifice. Cette disposition nécessaire pouvait produire de la monotonie, et par l’uniformité de ces bustes, tous de même forme, celle de l’Hermès antique, et de même couleur, celle du marbre blanc, ajouter encore un élément de froideur qui aurait détruit tout l’effet moral. L’architecte a su parer avec beaucoup de bonheur à ce double inconvénient, sans sortir des principes de l’architecture grecque qu’il avait à suivre. L’une des conditions de son programme était que l’intérieur de l’édifice admît le plus de lumière possible pour éclairer du jour le plus avantageux