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III.

La police politique est secrète de sa nature : les factieux trament leurs complots dans l’ombre ; c’est dans l’ombre que le gouvernement doit les suivre, épier leurs démarches, surprendre leurs projets.

Elle est essentiellement préventive. Les attentats de la sédition menacent la société entière et mettent en péril ses biens les plus chers ; la victoire, en la supposant certaine, laisse après elle de longs ressentimens et prépare souvent de cruelles représailles. Un gouvernement se consolide rarement par des accusations politiques ; ce qu’il gagne à faire connaître les menées de ceux qui l’attaquent, à effrayer le pays sur des doctrines de sang, il le perd à se montrer exposé à des complots répétés ; le peuple ne croit pas à la force du pouvoir que les factions ne se fatiguent point de combattre, condamné chaque jour à descendre sur la place publique pour entrer en lutte avec d’obscurs ennemis, à dresser des échafauds pour les punir. L’esprit d’imitation, la contagion de l’exemple, si puissans dans les troubles civils, pervertissent les esprits faibles et enfantent de nouveaux attentats. Enfin les procès politiques n’offrent que des chances contraires ; des absolutions déconsidèrent les magistrats chargés de la poursuite ; des condamnations exposent le chef de l’état au reproche de cruauté s’il laisse exécuter, de mollesse et parfois de lâcheté s’il fait grace. Tout concourt donc pour que la police politique s’attache surtout à prévenir les complots.

Quelques hommes, dont les illusions n’ont point cédé aux froides leçons de l’expérience, condamnent la police politique et l’accusent d’immoralité et d’impuissance ; mais si la société a, autant et plus sans doute que le dernier des citoyens, le droit de veiller à sa défense, comment lui interdire de pénétrer dans les ténèbres où se forgent les armes préparées contre elle ? Et s’il est vrai que la police n’a pas découvert tous les complots, il est peu logique d’en conclure qu’elle n’en découvre aucun ; malgré la discrétion qui lui est commandée, assez de circonstances ont prouvé l’efficacité de ses recherches.

La police politique, toujours recommandable par son but, peut encore être estimable par ses moyens ; quand elle se renferme scrupuleusement dans une observation passive, quand elle interdit sévèrement et punit sans pitié toute provocation, loin de déshonorer le