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LA RUSSIE.

Par un affront, par un refus,
A le pouvoir de faire dire
Je ne suis plus ce que je fus.

En feinte mes amis changent leur bienveillance,
Tout le bien qu’ils me font est désirer ma mort ;
Comme si en mourant j’étais en défaillance,
Dessus mes vêtemens ils ont jeté le sort.

La vieillesse est un mal qui ne se peut guérir,
Et la jeunesse un bien que pas un ne ménage,
Qui fait qu’aussitôt né l’homme est près de mourir,
Et qui l’on croit heureux travaille davantage.

Pétersbourg, en été, n’est pas seulement à Pétersbourg ; il faut aller le chercher aux îles de la Néva, où la haute société se retire, à Peterhoff, où est la résidence de l’empereur, à Oranienbaum, où s’élève le château bâti par Mentschikoff, favori de Pierre-le-Grand, qui abritait sa grandeur sous des lambris dorés, tandis que son maître poursuivait son œuvre dans une cabane, enfin à Tsarkoselo et Pawlowski. Un chemin de fer a été établi, il y a quelques années, entre cette résidence et Pétersbourg. Pour un rouble d’argent, on fait vingt-sept werstes en trois quarts d’heure. À peine sorti de Pétersbourg, on se retrouve déjà dans la plaine monotone et froide ; plus de mouvement, plus rien qui rappelle le voisinage d’une grande ville ; çà et là seulement quelques petits villages de colons allemands qui ont défriché cette terre et qui continuent à la cultiver. Bientôt, cependant, on voit surgir dans les airs la haute coupole dorée du palais de Tsarkoselo. Il y a cinquante ans, non-seulement la coupole, mais le toit des édifices, les bordures extérieures des fenêtres, tout était doré. À présent, les toits sont peints en vert ; les arabesques, les ciselures des portes et des fenêtres, sont revêtues d’une couleur jaune foncée, ce qui produit, sur une large façade blanche, un effet assez désagréable.

Tsarkoselo (village du tsar) n’était d’abord qu’une modeste propriété que Pierre-le-Grand donna à la belle Catherine. Catherine se contenta d’y faire bâtir quelques maisons en bois et une église. L’impératrice Élisabeth prit en grande affection ce coin de terre, je ne sais pourquoi, et voulut en faire une attrayante résidence, ce qui n’était pas facile. Catherine II continua l’œuvre d’Élisabeth. On sait que la fière impératrice ne se laissait pas arrêter par les obstacles, quand elle avait un caprice à satisfaire ou une idée à réaliser. Il lui fallut d’abord une route pour se rendre plus commodément, dans ses lourds carrosses, à ses palais d’été, et cette route coûta près d’un million. Élisabeth avait déjà construit deux ou trois édifices et tracé les contours d’un parc immense, le plus grand parc peut-être qui existe en Europe. Catherine appela à elle des architectes, des sculpteurs, des jardiniers disciples