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L’incendie de 1827 ravagea cette église, les cloches furent fondues ; l’autel, la chaire, l’orgue, furent brûlés, et plusieurs tombes en pierre dévastées par les flammes ; avec le produit des quêtes, des souscriptions, on est parvenu à réparer ces désastres. Un brave boulanger, qui avait amassé dans son métier environ 60,000 francs, qui n’avait plus de famille et qui était désolé de ne plus entendre l’orgue dont les accords religieux édifiaient sa jeunesse, a légué en mourant toute sa fortune à l’administration de la cathédrale pour qu’elle en fit construire un nouveau. Son vœu est accompli, un orgue éblouissant de peintures et de dorures, composé de cinq mille tuyaux, s’élève à présent jusqu’à la voûte ; c’est le plus grand orgue qui existe dans le Nord, on doit l’inaugurer prochainement.

Près de l’église est l’ancien édifice universitaire commencé par Gustave IV, achevé par l’empereur Alexandre. Il renferme à la fois les appartemens du gouverneur, les salles du conseil, du chapitre métropolitain, les caisses de la banque, la poste, la grande salle de l’académie. On appelle cet édifice l’Omnibus d’Abo.

II.

À vingt-deux milles suédois (60 lieues) d’Abo est la capitale de la Finlande, Helsingfors. Nulle diligence ne vient sur cette route en aide au voyageur. Si l’on ne veut pas faire ce trajet par mer et attendre les bateaux à vapeur, qui ne commencent leur tournée hebdomadaire qu’en été et la terminent en automne, il faut prendre des chevaux de poste, acheter une voiture, ou se confier à la bondkàra. On nomme ainsi la charrette des paysans, et c’est bien le plus rude, le plus fatigant moyen de transport qui existe. Qu’on se figure une espèce de tombereau posé sur deux roues avec une planche clouée en travers ou quelquefois liée tout simplement aux deux extrémités par une corde. C’est là-dessus que le voyageur s’asseoit côte à côte avec le paysan qui lui sert de cocher. Il n’y a là ni dossier, ni appui ; on est obligé d’user constamment d’une manœuvre habile pour garder l’équilibre sur ce siége vacillant, et de s’y cramponner avec les deux mains aux endroits difficiles. À peine a-t-on commencé à se familiariser avec ces cercles en fer, ces clous et ces aspérités, qu’on rencontre la station ; il faut reprendre alors un autre chariot et lier connaissance avec un nouveau siége tout aussi peu commode que le précédent. J’avais fait l’essai des bondkàra en Norvége et n’étais pas tenté de le renouveler. Un de mes nouveaux amis de Finlande, M. Arnell, eut la bonté de me prêter sa voiture, une très bonne et très confortable calèche à deux chevaux, et, grace à lui, j’ai parcouru fort commodément la route d’Helsingfors.

L’organisation de la poste est en Finlande la même qu’en Suède ; à chaque distance de cinq ou six lieues, on trouve le gastgifwaregard, où il doit y avoir un certain nombre de chevaux appartenant aux maîtres de poste, et de chevaux de réserve fournis par les paysans de la commune. À chaque relai, il