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vrir les débouchés extérieurs aux produits de notre sol et de notre industrie. Donnant, donnant, est l’axiome de la politique autant que la règle des échanges commerciaux.

Dans notre pensée, le traité d’union entre la France et la Belgique a pour corollaires sept ou huit traités de commerce avec l’association allemande, avec l’Angleterre, avec la Sardaigne, avec la Suisse, avec l’Espagne, avec les États-Unis, avec les états de l’Amérique du Sud et avec la Russie. On peut accorder à l’Allemagne, à la Suisse et au Piémont une réduction de 50 pour 100 dans les droits d’entrée établis sur les bestiaux ; à l’Espagne, la diminution du droit qui grève l’importation des laines ; à l’Angleterre, la levée de la prohibition sur divers tissus ; aux États-Unis, la diminution des droits sur les cotons ; au Brésil, la réduction de la surtaxe qui pèse sur les sucres étrangers. En retour, la France obtiendra sans peine des conditions plus favorables pour ses vins, pour ses soieries, pour ses tissus de laine et de coton, ainsi que pour ses articles de mode et de goût. Par cette double combinaison, en même temps que nous augmenterons, de toute l’étendue de la Belgique, le marché français sur le continent, nous aurons abaissé de notre côté les frontières des pays voisins, et nous aurons ouvert encore une fois à notre marine les voies de l’Océan.

Il reste encore un doute à lever. L’union commerciale n’implique-t-elle pas de notre part une renonciation tout au moins prématurée à la réunion politique des deux pays, et n’est-ce pas l’avenir de la France que nous escomptons ? Les Belges luttent péniblement contre les embarras de la situation que l’Europe leur a faite ; est-ce à nous de venir à leur secours, de donner une issue à leur activité, un appui à leur constitution politique, de procurer à cette nationalité un peu factice les moyens de vivre, et de changer en satisfaction leur désespoir ?

On pourrait répondre d’abord que le bienfait est réciproque, et que, si l’union commerciale doit faire vivre les Belges, elle étendra et fortifiera sans contredit en Europe l’influence des Français ; mais il faut ajouter qu’il y aurait quelque chose de puéril et de contraire à la dignité du sentiment national à prendre, pour ainsi dire, les peuples par la famine, et à compter sur le stimulant de leur misère pour les amener ou pour les ramener à nous. Grace au ciel, le nom français est assez grand dans le monde pour nous dispenser de ces petits subterfuges. Il porte avec lui sa puissance d’attraction, cette puissance qui a déjà une fois révolutionné l’Europe ; tant pis pour ceux qui ne l’éprouveraient pas, ou qui, l’éprouvant, tenteraient d’y résister ! La France peut, comme la Reine antique, accorder aux populations voisines le droit de cité ; seulement, elle l’estime à trop haut prix pour l’imposer comme un châtiment ou comme un fardeau.

Dans l’ordre d’idées que nous venons d’indiquer, l’union commerciale a deux sortes d’adversaires : ceux qui regrettent la France de l’empire et qui voudraient planter le drapeau tricolore sur la ligne du Rhin ainsi qu’aux bouches de l’Escaut, et ceux qui, dans l’intérêt mal entendu de notre indus-