Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/652

Cette page a été validée par deux contributeurs.
648
REVUE DES DEUX MONDES.

— « Chère mémoire ! ajoute le poète, c’est là, sous cette pierre, qu’il est étendu maintenant, à côté de la grande ville qui l’a nourri, élevé et vu grandir. Là, il gagnait humblement son pain, soumis aux rigoureux devoirs du négoce, enchaîné au pupitre noir. Que de fois la pensée d’un temps ainsi perdu attrista son ame ! Mais la récompense était belle ; il gagnait l’indépendance, noble mère du bienfait. Grace à cet esclavage, il pouvait jouir de ses affections, ardentes comme la chaleur du jour, libres comme l’air libre ; et le moment du repos venu, précieux moment, il pouvait causer délicieusement avec les morts, ou bien, le cœur débordant de sympathie pour ses semblables, l’œil vigilant et attentif, parcourir les rues populeuses. Ainsi triomphait du sort un génie que le sort et le monde semblaient avoir condamné ; il écrivait aux heures du loisir ses pages inspirées, pages baignées de sourire et de larmes, pages d’amour et de joie[1] ! »


Philarète Chasles.
  1. ……Here he lies apart,
    From the great city where he first drew breath,
    Was reared and taught, and humbly earned his bread,
    To the strict labours of the merchant’s desk
    By duty chain’d. Not seldom did these tasks
    Teaze, and the thought of time so spent depress
    His spirit, but the recompense was high ;
    Firm independence, bounty’s rightful Sire ;
    Affections, warm as sunshine, free as air ;
    And when the precious hours of leisure came,
    Knowledge and wisdom, gain’d from converse sweet
    With books, or while he ranged the crowded streets
    With a keen eye and overflowing heart
    , etc.