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tirez de là, je ne me débrouillerai jamais tout seul. Donnez-moi conseil, je vous en prie, vous qui savez à fond la loi anglaise. Voici le cas. La veuve de mon frère a, du vivant de ce dernier, fait un testament par lequel elle me nomme seul exécuteur testamentaire. Elle lègue, par ce testament, quarante acres de terre labourable qu’elle possédait sous covert-baron[1], à l’insu de son mari, elle les lègue, dis-je, aux héritiers d’Élisabeth Dowden, sa fille, mais d’un premier lit ; elle les lui lègue en fief simple, mais recouvrable par amende ; une propriété inféodée, songez bien à cela, car c’est là le point de la difficulté. Cette propriété est soumise en outre au leet et au quit-rent. Toutes les précautions sont prises dans l’acte pour que le mari, Isaac Dowden, ne puisse pas se rendre maître de la propriété. Ce même mari, de son côté, étant venu à mourir aux Indes orientales, a laissé un autre testament, qui lègue cette même propriété aux héritiers de son corps, non enfans de sa femme, car il paraît que la loi du pays permet aux enfans naturels d’hériter. Les tribunaux indiens avaient été saisis de la cause, que l’on a renvoyée, par un certiorari, devant l’échiquier d’Angleterre. Étant exécuteur, dois-je poursuivre ici ou renvoyer la cause aux suprêmes sessions de Bengalore, ou encore demander le renvoi devant le conseil privé ? Voilà la question. Comme tout le petit avoir d’Élisabeth Dowden s’y trouve engagé, je veux prendre les moyens les plus convenables et les moins coûteux de la tirer d’affaire. M. Burney pense que nous trouverons un précédent de même nature dans l’ouvrage de Fearn, On contingent remainders, chap. CLXX, sect. 15. Lisez ce chapitre à tête reposée, mon cher ami, et dites-moi ce que vous en pensez. La difficulté gît dans le pouvoir que le mari a ou n’a pas d’aliéner in usum, l’inféodation dont il était saisi ne se trouvant que collatérale, etc., etc. »

Procter fut dupe de cette mystification sérieuse. Lamb s’est moqué avec la même douceur enfantine et profonde des théories de Godwin, des fureurs de Cobbett, des audaces de Southey, son ami, des investigations métaphysiques de Coleridge, des symboles et des symbolistes allemands : « Ces messieurs trouvent partout des types et des symboles ; à les en croire, il y aurait une allégorie dans l’alphabet, un mythe dans bonjour et bonsoir. L’honnête don Quichotte se tourne en mythe. Moi, j’aime autant croire qu’Agamemnon signifie le taux de la rente, et que le divin Apollon est un autre mythe représentant

  1. Terme de jurisprudence anglaise ; à l’abri du mari (baron, varon en espagnol.)