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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

rable membre d’ailleurs n’y épargna rien et la fit aussi complète que possible ; ainsi il demanda à la fois le scrutin secret, l’extension du suffrage, la division du pays en districts électoraux également partagés, l’élection annuelle, l’abolition du cens d’éligibilité, et le paiement des membres du parlement. C’était, à peu de chose près, la réforme des chartistes. Eh bien ! dans une chambre de deux cent quatre-vingt-treize membres, il s’en trouva soixante-sept pour prendre en considération une telle proposition. Les derniers ministres d’ailleurs, sans exception aucune, brillaient par leur absence, ce qui fournit à sir Robert Peel et à lord Stanley l’occasion d’une apostrophe assez vive.

Après la réforme électorale complète vinrent les réformes partielles, le scrutin secret notamment que produisit M. Ward, et que soutinrent M. Shiel et M. O’Connell. Cette fois, lord John Russell était à son poste, et se joignit à sir Robert Peel et à sir James Graham. La proportion relative des votans fut de 157 contre 290. Elle était, dans la dernière chambre, de 200 contre 320 à peu près, c’est-à-dire un peu plus forte.

Il y eut encore quelques propositions radicales assez caractéristiques, celle de M. Villiers pour l’entière abolition de la loi des céréales, qui réunit 117 voix contre 231 ; celle de M. Easthope contre les taxes de l’église, qui fut rejetée par 162 contre 81 ; celle de M. Elphinstone pour que désormais, la propriété foncière paie les mêmes droits de succession que la propriété mobilière, qui échoua également à 77 contre 221. Or, chacun de ces votes montre que le parti radical, livré à lui-même, forme encore à peu près du tiers au quart de la chambre.

C’est là, il faut l’avouer, une situation considérable en apparence. Ce qui en réalité rend cette situation assez faible, c’est d’une part que le parti radical ne sait pas bien où il veut aller ; c’est de l’autre qu’il n’a aucun chef pour le conduire. Le simple bon sens dit, par exemple, qu’il ne saurait exister en Angleterre de radicalisme sérieux, sans qu’il tende à l’égalité des partages et à la suppression des majorats. Beaucoup de radicaux qui ne craignent pas de voter pour le suffrage universel et pour les parlemens annuels hésiteraient pourtant à toucher au droit d’aînesse et à importer en Angleterre le droit civil français. Leur radicalisme devient dès-lors impuissant, caduque, ridicule, et n’a point prise sur le pays. Quant à leurs chefs, où sont-ils ? Je vois bien parmi les radicaux, outre M. Hume, deux hommes très distingués, très actifs, M. Roebuck et M. Wakley ; mais ils appartiennent à la fraction la plus extrême des radicaux, à