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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

J’arrive ainsi à la question que je posais tout à l’heure. Le succès du cabinet de sir Robert Peel en Irlande est-il un succès durable ? Pour résoudre cette question, il faut voir si le cabinet de sir Robert Peel a réellement remédié à quelques-uns des maux qui dévorent l’Irlande, ou si du moins il a opéré entre la majorité catholique et la minorité protestante un commencement de réconciliation. Or, il n’en est rien absolument. À vrai dire, la force du cabinet Peel est dans cette malheureuse idée du rappel de l’union, qui est devenue l’idée fixe d’O’Connell. C’est cette idée qui a momentanément rapproché du gouvernement le duc de Leinster, lord Charlemont, et quelques autres des plus illustres libéraux irlandais. C’est cette idée qui, au sein même du parti plus vif et plus actif, entretient la discorde et la méfiance. C’est cette idée qui sépare absolument la cause libérale en Irlande de la cause libérale en Angleterre. Il y a peu de jours encore, O’Connell proclamait que, pour réussir, il ne lui fallait pas moins de trois millions de repealers. C’est beaucoup assurément, et bien qu’il se montre facile dans ses enrôlemens, bien qu’à une des dernières séances de l’association il ait, par exemple, fait admettre trois membres nouveaux, l’un âgé de six mois, l’autre de trois semaines, et le troisième de vingt-quatre heures, c’est tout au plus, je crois, s’il a pu réunir le douzième de son armée. Mais O’Connell a plus d’une corde à son arc, et s’il s’aperçoit que définitivement l’Irlande refuse de s’enrôler sous le drapeau du repeal, comme il l’a déjà fait une autre fois, il mettra ce drapeau dans sa poche, et cherchera de nouveaux moyens d’agiter l’opinion. Or, ces moyens sont tout prêts, et, quand le repeal ne l’absorbe pas, il sait fort bien les découvrir. N’a-t-il pas déjà proposé, outre l’abolition des dîmes, outre la destruction de l’établissement anglican, outre l’égalité morale et financière des deux cultes, une mesure par laquelle les propriétaires seraient privés du droit d’évincer leurs fermiers sans leur donner avis un an d’avance, et sans leur tenir compte des dépenses par eux faites pour l’amélioration de la propriété ? Ce sont là des réformes considérables et qui vont au cœur du peuple, bien plus que le vain plaisir d’avoir un parlement à Dublin. Malgré les bonnes intentions de sir Robert Peel et de lord Elliott, il est impossible, d’un autre côté, que l’administration, comme la justice locale, ne soient pas remises aux mains de l’aristocratie protestante, et exercées dans un esprit exclusif et intolérant. Vers la fin de la session, M. Shiel s’en plaignit amèrement et cita à l’appui de son opinion ce fait curieux, que, depuis l’avènement du nouveau cabinet, pas un catholique n’a