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de 3,775,000 livres ; par les taxes nouvelles des spiritueux et du timbre en Irlande, la somme de 410,000 livres ; enfin par le droit à l’exportation de la houille, la somme de 200,000 livres ; en tout 4,385,000 livres (110 millions). Sur ces 4,385,000 livres, il emploie 2,570,000 livres à couvrir le déficit du budget ordinaire, 1,200,000 l. à combler le vide produit par l’abaissement de certains droits, et 600,000 livres à peu près à parer aux dépenses extraordinaires de la Chine et de l’Afghanistan. Ainsi se trouve, pour le moment du moins, écartée la difficulté contre laquelle, selon quelques personnes, devait se briser le ministère de sir Robert Peel. Mais c’est là, tout le monde le sent, le moindre côté de la question. Ce qu’il y a d’admirable, c’est d’avoir, en présence de tant d’intérêts et de préjugés contraires, conçu, tenté, exécuté un plan si vaste et si hardi ; c’est de n’avoir fléchi devant aucune des clameurs qu’il soulevait et de l’avoir imposé, par la force du caractère et du talent, à ses amis comme à ses ennemis. Cependant, parce que le produit du dernier trimestre n’a pas répondu aux espérances qu’on avait conçues, on s’empresse de proclamer que le plan de sir Robert Peel a échoué. C’est juger un peu vite. Il est vrai que, pendant le dernier trimestre il y a eu, par suite de la crise commerciale, une diminution de 11 à 12 millions sur l’excise, de 2 à 3 millions sur le timbre, et de 3 millions sur diverses autres taxes ; mais le produit des douanes a augmenté de 5 millions à peu près malgré la réduction du tarif. Quant à l’income tax, qui n’a encore été appliquée qu’à certains revenus spéciaux, elle ne figure dans l’état trimestriel que pour 8 millions à peu près au lieu de 25. Tout ce qu’on peut conclure de ce document financier, c’est qu’il était grand temps d’agir avec énergie, et que les demi-mesures conseillées par l’opposition auraient échoué complètement.

Voilà pour la situation financière du pays. Je viens maintenant à l’Irlande.

« Je ne me suis jamais dissimulé, disait sir Robert Peel en 1839, que l’Irlande est la plus grande de mes difficultés. » J’ignore si, en 1841, sir Robert en jugeait encore de même ; mais l’opinion publique ne voyait alors aucune raison pour qu’il en fût autrement. En 1841 comme en 1839, plus qu’en 1839, il s’agissait en effet de rompre la douce habitude qu’avait prise l’Irlande d’être gouvernée par des hommes pleins de respect pour son culte, de compassion pour ses souffrances ; il s’agissait d’enlever le pouvoir à la majorité pour le faire passer à une minorité oppressive, intolérante, injuste ; il s’agissait de