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ghem est partie avec son mari ; que, pour nous faire croire à ta calomnie, tu t’es promené dans le jardin toute la nuit, que tu as reçu une horrible averse, et que tu n’oserais nous montrer l’habit bleu à boutons guillochés que tu avais hier.

Marcel. — Pourquoi ?

Arnold. — Parce que, si on tordait ce malheureux habit, on en ferait sortir un orage. Donne-moi ta bride, pauvre Lovelace.

Marcel. — Crois-tu donc que je ne savais pas l’absence de Mme d’Erghem ? j’ai voulu me moquer de toi.

Arnold. — Oui vraiment ! c’est égal, donne-moi ta bride.

L’ame de défunt Bressier retourna encore auprès de Paul Seeburg.

XII.

Le matin, en allant à la messe, Cornélie s’aperçut qu’elle n’avait pas de bouquet, et elle envoya Seeburg lui en chercher un au jardin. Paul mit son épître dans le bouquet ; mais, au moment de rentrer dans la maison, il pensa que, si le papier n’était pas assez caché, d’autres personnes pourraient le voir ; que, s’il était trop caché, Cornélie elle-même ne le verrait peut-être pas ; et si, en voyant la lettre, elle disait tout haut : Monsieur Paul, qu’est-ce donc que ce papier qui est dans mon bouquet ? il n’aurait qu’à ouvrir une fenêtre et se jeter sur le pavé de la cour. Il remit le billet dans sa poche.

Vers le milieu du jour, la servante dit : Ah ! mon Dieu ! je n’ai pas pensé à cueillir les fraises.

— Ne te tourmente pas, ma bonne, dit Cornélie, je vais les cueillir. Monsieur Paul, voulez-vous m’aider ?

Elle mit sur sa tête un chapeau de paille et alla au jardin en mettant ses gants. Paul la regardait marcher, chacun de ses mouvemens le ravissait. Arrivés auprès d’une planche de fraises, tous deux se mirent à genoux et commencèrent à cueillir les fruits rouges cachés sous les feuilles. Cornélie ne tarda pas à ôter ses gants : je suis trop maladroite comme cela, dit-elle, et mes mains redeviendront blanches cet hiver. La main de Paul, presque malgré lui, se rapprochait de celle de Cornélie ; il cueillait la fraise qui était la plus proche de celle que cueillait Mlle Morsy. Une fois leurs deux épidermes se touchèrent. Paul sentit comme un coup électrique le frapper au cœur ; il retira brusquement sa main et cueillit quelques fruits dans une autre partie de la plate-bande. Mais il n’y avait qu’un seul petit panier que