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une valeur de 12 millions 750 mille fr. Ainsi la consommation du coton brut est de 4 fr. 19 c. en France et 3 fr. 18 c. en Belgique. La différence paraîtrait bien plus grande si l’on comparait les produits fabriqués. La production annuelle, étant évaluée à 700 millions de fr. en France et à 42 millions en Belgique, représente, à raison de 36 millions d’hommes, pour la France 19 fr. 50 c. par individu, et pour la Belgique, à raison de 4 millions d’hommes, 10 fr. 50 c. seulement.

La comparaison sera complète, si nous ajoutons que les exportations belges, en tissus de coton, vont chaque année en décroissant ; tandis que les nôtres n’ont pas cessé de s’augmenter rapidement, malgré la concurrence que leur font, en France même, les tissus légers de laine et de lin. En 1833, la Belgique a exporté 1 million de kil., moins de 450 mille kil. en 1838 et moins de 350 mille kilogrammes en 1839. L’exportation française, au contraire, qui n’était, en 1829, que de 47,500,000 fr. et de 61,600,000 fr. en 1835, s’est élevée, en 1840, à 108,500,000 fr. ; accroissement de 130 pour 100 en onze ans. On remarquera que les manufacturiers français paient la matière première plus cher que les Belges ; car, s’ils ont l’avantage de s’approvisionner sur de grandes places de commerce comme le Hâvre, où les cotons sont toujours à meilleur prix, en revanche ils supportent 22 fr. de droits d’entrée par 100 kilog., tandis que le droit est en Belgique de 92 cent., ce qui donne au fabricant belge un avantage de 20 c. par kilogramme de coton.

Les manufacturiers belges qui ont déposé dans l’enquête, se vantent de ne redouter aucune concurrence pour les tissus communs de coton, quoique la diminution, qui se fait remarquer dans l’exportation de leurs produits, soit encore plus sensible dans les tissus blancs que dans les tissus imprimés. Mais ils reconnaissent hautement qu’ils ne peuvent lutter, pour la fabrication des indiennes, ni avec la France, ni avec l’Angleterre. « La France nous fait une concurrence terrible, dit un fabricant de Saint-Nicolas ; si ces marchandises, qui sont de toute beauté, ne venaient pas sur notre marché, nos cotonnades ne seraient pas délaissées. » Du reste, les manufacturiers belges se plaignent, autant que nos industriels ont coutume de le faire, de la cherté de la main-d’œuvre et de l’absence des capitaux. « Le froment est à 24 fr., dit M. Coppens ; en Angleterre la houille se vend 7 fr. les 100 kil., tandis que nous la payons de 20 à 21 fr. En Angleterre, l’intérêt de l’argent est plus bas qu’ici ; les fabricans y ont de grandes facilités pour choisir la matière première ; les mécaniques coûtent 30 pour 100 de moins que chez nous, et elles sont incontestablement supérieures aux nôtres. Les fabricans anglais l’emportent sur nous par l’immense extension de leurs débouchés. »

En résumé, la consommation des cotonnades étrangères en Belgique s’élève à une somme fort considérable ; les étoffes fabriquées en France, les imprimés surtout, y sont fort estimés, et le seul obstacle à vaincre pour donner à nos indiennes, à nos jaconas, à nos mousselines, un débouché plus important dans ce pays, est l’introduction en fraude d’une énorme quantité de marchandises