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DE L’UNION COMMERCIALE.

ment dans les mêmes conditions ; elles importent l’une et l’autre de grandes quantités de l’étranger. On peut même affirmer que la France trouve sur son propre sol des ressources qui manquent à la Belgique, où l’extrême division de la propriété et la nature des assolemens s’opposent à l’élève des troupeaux. En 1840, la France a importé 13,456,000 kil. de laine, qui représentent, selon les calculs de M. Muret de Bord, la moitié de la production indigène ; tandis que la Belgique, qui importe en moyenne 3,500,000 kil., n’en produit elle-même qu’environ 1,500,000 kil., en matière commune encore et de peu de valeur. Il en résulterait que la manufacture française opère sur une quantité de 40 millions de kil. et la manufacture belge sur une quantité de 3 millions : la proportion serait celle de 8 à 1, chiffre déjà très rassurant, puisqu’il est en rapport exact avec les populations des deux pays.

L’avantage que les manufacturiers belges peuvent avoir sur les nôtres, ils le doivent surtout à leur législation. Les laines importées en France supportent un droit de 22 pour 100 ; les laines importées en Belgique sont exemptes de droit. Sans doute, cette infériorité se trouve compensée, dans les exportations de nos fabricans, par la prime de sortie que leur paie le trésor, et qui est calculée sur la base de 9 pour 100. Mais, dans l’hypothèse de l’union commerciale, la prime ne pouvant plus s’appliquer aux étoffes de laine importées en Belgique, il est clair que l’on devrait, pour rétablir l’équilibre, ou étendre aux frontières de la Belgique le droit de 22 pour 100, ou le supprimer absolument sur toute l’étendue des frontières communes à l’association. Cette dernière combinaison serait la plus sage. Nous n’avons pas intérêt à mettre des obstacles à l’introduction des laines allemandes lorsque l’association prussienne, pour empêcher la sortie de ces laines, les frappe à l’exportation d’un droit de 7 fr. 50 cent. par quintal.

La Belgique travaille principalement pour l’exportation. La valeur des étoffes de laine fabriquées dans ce pays s’élève en moyenne à 40 millions de francs, dont la moitié est destinée aux pays étrangers, à la Suisse, à la Hollande, aux Indes, au Levant. Une somme à peu près égale de tissus étrangers vient remplacer dans la consommation belge les quantités exportées ; la France entre dans cette fourniture pour 6 millions et demi en fils et tissus, et l’Angleterre pour 10 millions.

Au rebours de la Belgique, la France travaille surtout pour la consommation intérieure, et n’exporte, en tissus de laine, que la huitième partie de ce qu’elle produit. Cependant nos exportations font des progrès rapides ; elles se sont élevées de 38 millions en 1835, à 60 millions en 1840, ce qui représente un accroissement de 58 pour 100. Ainsi, les manufactures belges sont organisées en vue des consommateurs lointains, et les manufactures françaises en vue des consommateurs nationaux. Cette différence capitale, qui existe entre elles, exclut déjà la pensée d’une rivalité acharnée. Mais pour mieux se rendre compte de la supériorité ou de l’infériorité de la France relativement à la Belgique, il faut distinguer entre les élémens de cette comparaison.