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DE L’UNION COMMERCIALE.

vait politiquement et commercialement séparée du reste de l’Europe, mais bien de ce que le pays manquait de débouchés lointains. « Ce qui nous manque, c’est le commerce, disait M. Devaux. » — « La navigation, ajoutait M. Dumortier, est chez nous à créer[1]. » — « Ce qui reste à faire, concluait M. Deschamps, c’est un large commerce d’exportation vers les pays lointains. » La commission d’enquête se transporta dans les principales villes de la Belgique ; elle interrogea les commerçans, les manufacturiers, les agriculteurs ; et les conclusions exposées par ces hommes pratiques se trouvèrent tout autres que les hypothèses chimériques auxquelles s’était à peu près ralliée la chambre des représentans. Les auteurs de la proposition voulaient mettre la Belgique en rapport avec les deux Amériques, avec l’Inde, avec la Chine, et faire naître une marine nationale en établissant en sa faveur des droits différentiels de navigation ; tandis que les industriels, dans chaque localité, jugeaient plus naturel et plus avantageux de rattacher la Belgique aux contrées limitrophes, et demandaient, les uns l’union avec la France, les autres l’union avec les états allemands.

À diverses reprises, des efforts puissans ont été faits en Belgique pour encourager l’exportation lointaine ; ces tentatives ont généralement avorté. Les sociétés commerciales instituées à Bruxelles, à Anvers et à Bruges, pour le placement des marchandises belges à l’étranger, ne paraissent pas avoir obtenu de brillans résultats. Le service de bateaux à vapeur établi par le gouvernement entre Anvers et New-York se réduit jusqu’à présent aux rares voyages du British Queen ; enfin, la colonie belge qu’il est question de fonder à Guatimala est encore à l’état de projet. Quand on veut établir de vastes relations d’échange avec les contrées lointaines, il est nécessaire d’avoir derrière soi des marchés d’égale importance, où l’on puisse écouler les denrées que l’on rapporte en retour. C’est là ce qui manque à la Belgique, encore plus que les commerçans et les matelots[2]. La Belgique n’est pas encore un pays de transit, quoiqu’elle tende à le devenir ; et elle ne sera jamais un pays d’entrepôt, tant qu’elle aura les produits de sa propre industrie à exporter.

L’exportation lointaine est pour ainsi dire le luxe du commerce ; le néces-

  1. « La Belgique exporte et importe annuellement 474,000 tonneaux environ. Elle possède actuellement 150 à 160 navires, ayant un tonnage moyen de 32,000 à 36,000 tonneaux. Et vous voulez que le mouvement de nos ports s’alimente par cette chétive navigation ! » (Enquête, 1840. Discours de M. Smits.)
  2. « Je ne pense pas que nous puissions avoir une marine de longtemps. Nous n’avons pas de population maritime, nous n’avons que quelques lieues de côtes ; il nous manque des matelots et des capitaines expérimentés. » (Enquête. M. Hambrouck, à Louvain.)

    « Ce qui nous fait défaut, ce sont des établissemens à nous sur les lieux où nous exportons. » (Enquête. M. de Wael, à Anvers.)

    « Le commerce intérieur du pays se borne presque tout entier au commerce de commission. » (Discours de M. de Foëre.)