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DE L’UNION COMMERCIALE.

donc que ce qui se fera tôt ou tard dans tous les grands centres européens ; l’Angleterre doit en prendre son parti.

L’union commerciale de la France avec la Belgique sera un symptôme de plus de la révolution qui s’accomplit dans les rapports des états européens. Ce changement, qui promet de leur être avantageux, tournera-t-il à l’avantage ou au détriment de l’Angleterre ? l’avenir seul nous l’apprendra. Ce qui paraît dès aujourd’hui certain, c’est que les rapports de cette puissance insulaire avec les nations du continent en seront positivement simplifiés ; au lieu d’avoir à négocier avec cinquante potentats grands ou petits, elle traitera avec cinq ou six associations, dont la plupart auront intérêt à lui ouvrir leurs marchés. La politique anglaise a considéré l’union des états allemands comme un fait avantageux en principe à son commerce ; elle n’a réclamé que contre l’exagération des tarifs. Son attitude sera naturellement la même à l’égard des associations que l’on peut déjà pressentir. Le monde politique s’accommode toujours des combinaisons qu’il considère comme des faits accomplis.

II.

La révolution de 1830 a émancipé la Belgique ; mais c’est la conférence de Londres qui l’a constituée. Les Belges ont les qualités qui font les peuples libres, le courage, l’intelligence, l’application au travail ; mais le malheur de leur situation a voulu qu’ils dépendissent, à toutes les époques de leur histoire, du bon ou du mauvais vouloir de la diplomatie, qui les a toujours sacrifiés aux prétendues nécessités de l’équilibre européen[1]. Le royaume de Belgique, tel que l’a délimité le traité des 24 articles, ne peut pas se suffire à lui-même, et il n’a aucune des conditions de la durée. Militairement et commercialement, il est ouvert à toutes les invasions. Sur les neuf provinces qui le composent, sept sont des provinces frontières, et il a plus de deux cents lieues à garder[2] ; d’où il suit que la Belgique ne peut se défendre ni de la guerre ni de la contrebande. « La fraude se commet d’une manière scandaleuse, » s’écrie M. Delahaye dans la chambre des représentans. « Notre position géographique, dit nettement la chambre de commerce de Bruxelles, ne nous permet point de conserver exclusivement notre marché. »

  1. « La Belgique, a dit insolemment la Gazette d’état de Prusse, est la balle avec laquelle jouent les autres nations. »
  2. « La France a 27,000 lieues de superficie et environ 1,000 de frontières, dont 500 de côtes. La Belgique à 1,400 lieues de superficie et 170 de frontières, dont 10 de côtes (les lieues belges sont de 5,000 mètres : 170 lieues belges représentent 212 1/2 lieues de 4,000 mètres). Ainsi donc, pour nous trouver dans la même position que la France, nous devrions avoir 25 lieues de frontières de terre et 25 de côtes, tandis que nous en avons 140 de la première catégorie et 10 de la seconde. L’Allemagne, par suite de sa réunion douanière, se trouve à notre égard dans la même position que la France. » (Chambre de commerce de Bruxelles, 4 août 1840.)