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Dans une seconde, on n’a trouvé qu’une femme avec deux enfans et une servante. On les interroge. Leurs réponses et de nouvelles épreuves faites sur d’autres habitations établissent ce fait singulier, qu’il n’y a pas un seul homme visible dans toute la ville de Microbourg. On fouille les maisons, toutes sont de même ; les lâches guerriers de Microbourg ont pris la fuite ; chacun des soldats nihilbourgeois se couvre de gloire à sa manière.

On met les maisons au pillage, on brûle une ou deux bicoques, on se livre à toutes les atrocités d’usage en pareil cas ; mais bientôt Céderic donne le signal de la retraite. On se rassemble sur la grande place de Microbourg ; chacun amène sa part de butin dont on a chargé les ânes et les chevaux qu’on a pu trouver. Les femmes et les enfans, réunis en troupe, sont emmenés malgré leurs prières et leurs larmes.

La troupe victorieuse se remet en marche.

Le prince, entouré de ses fidèles conseillers, se demande ce que sont devenus les soldats de Microbourg. Pour les soldats nihilbourgeois, chacun raconte ses hauts faits, il y en a déjà quarante-trois qui sont entrés le premier dans la ville ennemie.

Ils s’expliquent tranquillement l’absence des Microbourgeois par la terreur qu’ils inspirent. Ils ont parfaitement oublié celle qu’ils ressentaient quelques heures auparavant.

Cependant, par l’ordre du prince, on prend des chemins détournés ; on met un peu plus de temps qu’il ne faut pour rentrer à Nihilbourg, mais on évite les fâcheuses rencontres.

On entend tout à coup un bruit de pas et de voix dans le lointain. Le prince donne l’ordre d’appuyer sur la droite pour s’éloigner de ce bruit. On doit être près de la ville ; on rentrera dans la ville par la porte de derrière. Mais est-ce le jour déjà ? Comme le ciel est rouge ! Jamais on n’a vu une aurore aussi éclatante ; ce ne peut être l’aurore, car cette lueur est dans la direction de Nihilbourg, et Nihilbourg est à l’ouest. On avance un peu plus vite. Ah mon Dieu ! des flammes se font voir distinctement. Le feu est à la ville de Nihilbourg ! On laisse les prisonniers et le butin à la garde d’un tiers de la troupe, le reste se précipite en avant.

Comment se fait-il qu’on n’entende pas de cris ? les femmes et les enfans n’ont donc pas été réveillés par cet affreux accident ? On s’empresse, on éteint le feu de deux maisons embrasées ; une troisième est tellement enveloppée par les flammes, qu’il n’y a rien à faire ni même à essayer.