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FEU BRESSIER.

Raoul. — Ah ! Pauline, ne me parlez pas ainsi.

Pauline. — Je ne vous ai pas parlé ainsi tant que je l’ai pu, mais attendez le jour, et vous verrez arriver vingt créanciers d’une insolence toujours croissante ; vous verrez la servante venir demander vos ordres et de l’argent pour le déjeuner.

Raoul. — À qui pourrais-je emprunter quelques louis ?

Pauline. — Nous avons fatigué tous nos amis. D’ailleurs, à quoi nous serviraient ces quelques louis ? Serions-nous plus avancés dans trois ou quatre jours, quand ils seraient dépensés ?

Raoul. — Si je pouvais subvenir aux besoins du moment, je travaillerais, quand je devrais faire des commissions !

Pauline. — Bel avenir pour me consoler du présent !

Raoul. — N’avons-nous donc plus rien à vendre ni à engager ?

Pauline. — Rien du tout.

Raoul. — Mais que faire, mon Dieu ?

Pauline. — Je vous l’ai dit.

Raoul. — Mais savez-vous ce que vous voulez que je fasse, Pauline ? Un faux testament ! Mais, malheureuse femme ! pensez donc que ma vie entière sera vouée à l’infamie, que l’on me mettra aux galères ! Ah ! mon Dieu !

Pauline. — Les galères sont-elles plus cruelles que la vie que nous menons ? Et d’ailleurs, pour un joueur, vous n’êtes guère résolu. Je vous propose de jouer un grand coup ; si nous perdons, nous nous tuerons ensemble. Si nous ne jouons pas le coup, nous le perdons ; car, sans cet espoir, il y a long-temps que je me serais jetée à l’eau, ou précipitée par la fenêtre !

Raoul. — Mais quand je voudrais le faire, comment le pourrais-je ?

Pauline. — Je me charge de tout. Pendant que vous vous efforciez de ressaisir quelques branches pourries, moi je passais les jours et les nuits à l’exécution de mon projet. Tenez, regardez cette lettre de votre oncle.

Raoul. — C’est celle qu’il m’a écrite il y a quatre mois, trois mois et demi avant sa mort, pour me refuser un billet de mille francs.

Pauline. — Eh bien ! et celle-ci ?

Raoul. — Mais c’est la même !

Pauline. — Il y en a une vraie et une fausse, distinguez-les !

Raoul. — Mais c’est effrayant !

Pauline. — Au contraire, cela doit vous rassurer. Long-temps avant sa mort, j’ai mûri mon projet. Vous aviez un oncle riche, il faut en hériter. J’ai travaillé assidûment. Maintenant je n’ai pas