sur l’honneur que je ne vous connais pas le moins du monde, que je ne vous ai jamais vu, et que je ne sais absolument pas qui vous êtes.
— Ah çà ! tu plaisantes, Paul ?
— Nullement.
— Ce serait drôle, si c’était moi qui me trompais. N’êtes-vous pas Paul Seeburg ?
— Oui, monsieur.
— Comment ! tu es Paul Seeburg, et tu ne te rappelles plus Ernest, Ernest Morsy ?
— Quoi ! Ernest ? Eh ! mon Dieu ! c’est que tu es si grandi, si changé ?
— C’est sans doute ma barbe qui me change.
— C’est possible. Mais comment, c’est toi ! Comment vont ton père et ta mère ?
— Très bien. J’étais étonné de ta froideur ; tu ne me demandais des nouvelles de personne, et tu ne me parles pas de ma sœur Lilie. Elle parlait de toi encore hier. J’avais raconté que je t’avais rencontré, et elle disait : Pourquoi ne vient-il donc pas nous voir ? — Je ne sais, ai-je dit, mais je l’ai trouvé froid et peu amical. — Cela s’explique à présent. Quand viens-tu dîner à la maison ?
— Demain, si tu veux.
— Nous t’attendrons demain. Ah çà ! pense que Lilie est à présent une grande demoiselle, et ne dis rien devant elle… tu sais.
— Mais non, je ne sais pas.
— Ta, ta, ta ! un gaillard qui passe toutes ses soirées au théâtre. Les actrices… les danseuses… on sait ce que c’est.
— Mais je t’assure, Ernest…
— Allons donc !… Ne manque pas demain, à six heures.
— Sois tranquille ; à demain.
— À demain.
Comme Cornélie est belle, et surtout de quelle chaste et pure beauté ! Jamais Paul n’avait ressenti une pareille impression. Comme il aurait voulu pouvoir la regarder sans être obligé de parler ! car, entre toutes les pensées qui s’agitaient pêle-mêle dans sa tête, comme des abeilles dans une ruche fermée, la moins extraordinaire l’eût fait passer pour fou à lier, s’il l’eût exprimée tout haut.
Elle parle ! Quelle voix mélodieuse et vibrante ! Quel malheur qu’il faille lui répondre ! elle parlerait encore. Quelle douce et enivrante musique que cette voix !
Les femmes ne croient pas à l’amour quand on le sent réellement ;