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FEU BRESSIER.

cette allée avec deux de ses amis qui venaient le voir assez fréquemment. Dans la nouvelle situation de l’allée, il était impossible, en se promenant à trois, de ne pas se choquer les coudes de temps en temps. Cependant Mme Morsy obtint de lui qu’il ne dirait rien à Mme Seeburg, et qu’il ferait semblant de ne pas s’en être aperçu.

Mais que devint M. Morsy, lorsqu’un matin il vit le jardinier de Mme Seeburg occupé à bêcher, dans son jardin, une partie tirée au cordeau !

Mme Seeburg trouvait maintenant l’allée trop étroite, parce qu’on avait marché sur sa bordure, et elle reprenait, sur la part de jardin de M. Morsy, de quoi lui rendre sa largeur primitive. M. Morsy exaspéré ordonna au jardinier de suspendre son travail jusqu’à ce qu’il eût vu sa maîtresse. Le jardinier fut impoli, M. Morsy le prit par les épaules et le mit dehors.

Par suite, une explication avait eu lieu entre Mme Seeburg et M. Morsy, et avait amené la brouille dont le pauvre Paul était la victime.

Les vacances de Paul se passèrent tristement. Quelques jours avant son départ pour le collége, la famille Morsy revint de la campagne. Paul embrassa avec effusion les deux enfans qu’il trouva dans le jardin ; ils lui racontèrent leurs plaisirs ; il leur raconta ses ennuis. Paul et Ernest se promirent de s’écrire quand ils seraient de retour au collége. Cornélie, qui avait presque onze ans, annonçait déjà une grande beauté. Comme les trois enfans causaient ensemble, ils s’étaient assis sous une tonnelle de vigne-vierge dans le jardin de Mme Seeburg. Celle-ci survint et renvoya les petits Morsy, en renouvelant à Paul la défense de leur parler à l’avenir. Les enfans rentrèrent chez eux aussi tristes que Paul. Cornélie pleurait ; M. Morsy demanda et apprit la cause de leur chagrin, et, tout-à-fait fâché que la mauvaise humeur de Mme Seeburg allait jusqu’à lui donner des façons offensantes à l’égard de ses enfans, il leur défendit à son tour de parler à Paul.

Paul partit et rentra au collége en proie à une tristesse amère.

En général, les gens plus âgés n’ont aucune pitié des larmes de l’enfance ; la cause qui les fait couler n’a plus d’intérêt pour eux, et ils la trouvent futile. Cependant l’enfant auquel on casse un polichinelle est aussi malheureux que le ministre auquel on ôte sa place ; les places, les honneurs, les croix, ne sont autre chose que les polichinelles de l’âge mûr. L’année d’ensuite, Paul passa les vacances au collége. Pendant