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parler que de la question spéciale des frontières. Il reste à régler entre les deux gouvernemens des points très graves de droit international.

En dehors du traité général, plusieurs questions incidentes ont été discutées entre l’envoyé anglais et le gouvernement des États-Unis. L’affaire de la Caroline, qui a été le sujet de l’échange de plusieurs notes, demande quelques explications.

Lors de la révolte du Canada, en 1837, un certain nombre des insurgés, poursuivis par la milice anglaise, passa la frontière et se réfugia sur le territoire américain, dans l’état de New-York. Là, les réfugiés recrutèrent des sympathiseurs américains, et, avec leur secours, ils s’emparèrent de Navy-Island, et firent de cette île leur quartier-général d’invasion. Les munitions, tirées de l’état de-New-York, affluaient dans l’île sans aucune opposition de la part des autorités américaines, et les insurgés, renforcés par douze pièces d’artillerie qui n’avaient pu provenir que d’un arsenal de l’état, ouvrirent pendant plusieurs jours un feu soutenu sur le rivage anglais. Il arriva même que l’on fit feu du rivage américain, sans que les autorités de New-York jugeassent convenable de s’y opposer. La prise de l’île avait eu lieu le 16 décembre 1837 ; les autorités anglaises, après avoir vainement attendu pendant quelque temps que le gouvernement de New-York fit la police de son état, se rendirent elles-mêmes justice. Les insurgés avaient armé et équipé un bateau à vapeur, la Caroline, qui leur servait de transport pour les munitions et les hommes. Dans la nuit du 29 décembre, un détachement de la milice anglaise alla pour surprendre le bateau, qui se trouvait en ce moment à l’ancre sur la rive américaine, le prit, l’emmena, et, après y avoir mis le feu, le lança sur le courant des cataractes où il alla se briser et se perdre.

Le gouvernement des États-Unis réclama contre cette violation du territoire américain, le gouvernement anglais se rejeta sur le droit de défense personnelle, et, après plus de quatre ans de controverse, l’affaire de la Caroline n’avait pas encore reçu une solution quand lord Ashburton arriva à Washington.

Nous trouvons dans la correspondance, en date du 27 juillet, une note de M. Webster, où le gouvernement des États-Unis demande à l’envoyé anglais des explications catégoriques à ce sujet. « Cet acte, dit M. Webster, est en lui-même une offense et une atteinte à la souveraineté et à la dignité des États-Unis, étant une violation de leur sol et de leur territoire, offense pour laquelle jusqu’à présent aucune excuse ou aucune apologie n’a été présentée par le gouvernement de sa majesté. Je dois donc appeler sur cette affaire la grave considération de votre seigneurie. »

Nous doutons que les explications de lord Ashburton, si elles ont paru satisfaisantes à M. Webster, soient de nature à satisfaire également la dignité du gouvernement et du peuple anglais. Le ton de ces explications, que le gouvernement américain a considérées comme de véritables excuses, nous surprend d’autant plus qu’il est évident pour nous que l’Angleterre était ici parfaitement dans son droit. Que les autorités anglaises eussent commis une