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d’accommodement. Il faut remarquer aussi qu’aux États-Unis, le droit de ratifier les traités appartient à un corps délibérant, au sénat, et que le pouvoir exécutif se trouve ainsi privé de la prérogative qui lui est attribuée dans les monarchies.

Cette première difficulté, inhérente à toute négociation internationale avec les États-Unis, se compliquait, dans la question des frontières, d’une seconde difficulté qui portait sur le fond même du différend. À l’époque où la ligne de délimitation avait été tracée approximativement, le territoire en litige était peu habité, peu exploré et fort peu connu. Ceci est d’autant plus facile à concevoir, qu’aujourd’hui même, après cinquante ans de controverse, on n’a pas encore pu parvenir à déterminer d’une manière certaine ou même probable quelle avait pu être la ligne désignée par les négociateurs. Ainsi, on avait bien pris pour point de départ la source de la rivière Sainte-Croix : seulement on avait oublié de dire quelle était la rivière Sainte-Croix. On était bien convenu de suivre une certaine chaîne de montagnes (highlands) : malheureusement, cette précieuse chaîne de montagnes avait été créée et mise au monde par la fantaisie des négociateurs. On s’était bien réglé sur un certain degré de latitude, mais devait-on lui donner pour base l’observation astronomique ou la mesure géométrique ? C’est ce qu’on n’avait pas songé à déterminer.

Aussi, quand en 1794 un traité fut conclu entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, le premier objet de ce traité fut de déterminer au juste ce que c’était que la rivière Sainte-Croix. Par le cinquième article, des commissaires furent nommés de part et d’autre avec mission de procéder à une enquête et de recueillir des dépositions faites sous serment ; il fut stipulé en outre que le rapport de ces commissaires serait considéré comme définitif (final and conclusive). Le rapport fut fait ; on trouva une source plus ou moins authentique pour la rivière Sainte-Croix, et un des points de la frontière fut ainsi fixé.

La découverte ou l’invention de la rivière Sainte-Croix était un premier pas ; malheureusement les hostilités éclatèrent de nouveau entre l’Angleterre et les États-Unis avant que l’exploration eût été poussée plus loin, et elles ne furent terminées qu’en 1814 par le traité de Gand. En vertu d’un article de ce traité, des commissaires furent de nouveau nommés pour fixer la ligne limitrophe : il fut convenu que leur décision serait aussi définitive et sans appel ; mais, comme il était possible qu’ils ne s’entendissent pas, il fut stipulé qu’en cas de dissentiment, la question serait portée à l’arbitrage d’un tiers. Ce ne fut qu’en 1828 que le roi des Pays-Bas fut choisi pour arbitre, et il fut encore convenu de part et d’autre que sa décision serait définitive, « et serait mise immédiatement à exécution par les parties. » Le roi des Pays-Bas rendit sa décision au mois de janvier 1831 : il donna tort à l’Angleterre, et ne donna point raison aux États-Unis ; il trancha la difficulté en traçant lui-même une nouvelle ligne. Trois questions lui avaient été soumises : Quelle était la source du Connecticut désignée dans le traité de 1783 ? Le degré de latitude