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raîtra pour quiconque lira l’histoire tout entière. Melo est un juste milieu dans toute la force du mot, ce qui est rare, difficile et particulièrement remarquable chez un Espagnol. Il n’aime ni le despotisme ni l’anarchie ; son esprit est ferme comme son courage. Il voit tout et juge tout avec une égale résolution. Pour lui comme pour nous, il est impossible d’absoudre ou de condamner complètement le soulèvement de 1639. D’un côté, l’oppression était réellement intolérable, le gouvernement central méprisable et méprisé, le roi indifférent, le premier ministre ridicule, le vice-roi cruel et insolent ; de l’autre, l’insurrection mal commencée et mal conduite ne devait amener que de nouveaux maux, de plus grands désordres, une lutte sans éclat, et enfin une soumission à peu près absolue. Enfant d’un pays qui se révolta presqu’en même temps que la Catalogne, mais qui parvint à fonder sa liberté, Melo ne pouvait ni séparer ni réunir tout-à-fait les deux causes, et il faut l’en féliciter, car il est ainsi dans le vrai.

Du reste, cette belle histoire, dont les Espagnols sont aujourd’hui si fiers, a eu long-temps le même sort que celle de Moncada ; peu de temps après sa publication, elle tomba dans l’oubli le plus profond, et ce n’est que par hasard qu’elle en est sortie après cent cinquante ans. Un exemplaire de l’édition primitive étant venu, en 1806, entre les mains d’un érudit espagnol, don Antonio Capmany, celui-ci fut frappé de la perfection singulière du style, et une réimpression en fut faite à Madrid en 1808. Alors commença pour elle la popularité méritée dont elle jouit. Si ce fait est à la honte du temps passé, il est à l’honneur de notre époque. Dans le grand travail de résurrection que l’Espagne poursuit depuis cinquante ans sur elle-même, ce n’est pas un de ses moindres intérêts que de remettre au jour celles de ses gloires littéraires que la nuit du XVIIIe siècle avait obscurcies ; on voit qu’elle l’a fait pour quelques-uns de ses historiens. Nous sommes heureux, pour notre compte, d’avoir pu nous associer à ce juste retour.

L’époque du règne de Philippe IV est une des plus intéressantes de l’histoire d’Espagne pour des lecteurs français, puisque c’est celle de cette dernière lutte entre l’Espagne et la France qui se termina par la paix des Pyrénées, en 1659, après avoir duré près de trente ans. Grace au génie de Richelieu et à l’habileté de Mazarin, la France y vint à bout d’abaisser la puissance espagnole et de briser le cercle dont l’étreignaient les possessions de la maison d’Autriche. La guerre de Catalogne fut un des principaux épisodes de ce long duel entre les deux nations. Nous croyons donc ne pouvoir mieux finir cet ar-