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REVUE DES DEUX MONDES.

VIII.

À peu près une dizaine d’années avant l’époque où se passent les scènes que nous venons de raconter, il se fit une rencontre qui devait avoir une certaine influence sur la destinée de nos héros.

M.  et Mme Morsy habitaient l’été une petite propriété située à une dizaine de lieues de la ville, au milieu des bois. Un jour que leurs deux enfans, Ernest et Cornélie, étaient allés se promener avec une servante, ils revinrent en sautant de joie et tenant chacun un petit oiseau.

— Ah ! maman, disait la petite Cornélie, qui avait alors sept ans, regarde donc ma jolie fauvette ; donne-moi du coton, que je lui fasse un petit nid bien chaud.

— Maman, criait Ernest, donne-moi du fil, que j’attache le mien à mon petit chariot.

— Et où avez-vous trouvé ces pauvres bêtes ? demanda la mère.

— Maman, c’est un petit garçon habillé de noir qui les a dénichées ; il y en avait quatre, il nous en a donné une à chacun.

— Quel est ce petit garçon ? demanda Mme Morsy à la servante.

— Je n’en sais rien, madame ; il était avec une dame habillée en noir comme lui. Je crois bien qu’ils sont en deuil.

Le lendemain, il y eut une discussion entre le frère et la sœur : Cornélie pleurait parce que son frère voulait la forcer de jouer au cheval, et de mettre une corde entre ses dents pour faire les rênes.

— Pourquoi donc pleure Cornélie ?

— Maman, c’est Lilie qui ne veut jamais jouer avec moi.

— Maman, c’est qu’il veut me mettre des cordes dans la bouche, et me donner des coups de fouet quand je ne cours pas assez vite.

— Mais, maman, c’est toujours comme cela qu’on fait.

— Allons, Ernest, c’est vous qui avez tort. Ce sont là des jeux de garçon auxquels vous ne pouvez pas jouer avec votre sœur.

— Je ne peux pas pourtant jouer avec sa poupée.

— Ni elle avec vos fouets.

— C’est ennuyeux alors ; à quoi est-ce que je m’amuserai ? j’aimerais mieux être à la pension ; je n’ai pas un camarade ici.

— C’est vrai, mon pauvre enfant ; si tu rencontres encore le petit garçon qui t’a donné un oiseau, demande-lui où il demeure, et prie sa maman de le laisser venir jouer avec toi.