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contre les Moresques de Grenade, par don Diego Hurtado de Mendoza, l’Histoire de l’Expédition des Catalans et des Aragonais contre les Turcs et les Grecs, par don Francisco de Moncada, et l’Histoire du Soulèvement de la Catalogne sous Philippe IV, par don Francisco Manuel de Melo.

Un jeune littérateur espagnol, M. Eugenio de Ochoa, qui s’est voué à faire connaître à la France et à l’Europe la littérature de son pays, a publié récemment en France, un volume qui fait partie de sa collection des meilleurs auteurs espagnols, et qui porte ce titre expressif : Trésor des historiens espagnols (Tesoro de historiadores españoles). Ce volume contient les trois histoires dont nous venons de parler, et ce n’est pas un des moins importans de la collection de M. Ochoa. Au dire des Espagnols les plus instruits, Mendoza, Moncada et Melo sont leurs premiers historiens, même sans en excepter Mariana et Solis. Cette opinion est peut-être exagérée, mais elle est juste au fond, surtout pour Mendoza et Melo. Il est seulement à regretter que l’étendue de ses compositions et l’importance de leurs sujets ne soient pas en rapport avec leur mérite ; ce sont plutôt des fragmens historiques que des histoires, mais des fragmens d’un grand prix, et, en fait d’art, l’étendue n’est pas toujours nécessaire.

L’Histoire de la guerre de Grenade est la première et la plus ancienne des trois. Cette guerre est la dernière que les Maures aient soutenue dans les montagnes des Alpuxarras ; elle a eu lieu dans les années 1568, 1569 et 1570. L’histoire a été écrite aussitôt après, car l’auteur est mort en 1575 ou 1577. Cervantes était encore alors prisonnier chez les Maures, et Mariana rentrait à peine en Espagne, de ses voyages à l’étranger. Ainsi, c’est d’un devancier de Cervantes et de Mariana eux-mêmes, et conséquemment d’un des pères de la littérature espagnole, qu’il s’agit ici. La France en était encore à Brantôme ; les Essais de Montaigne n’avaient pas paru ; en Angleterre, Shakespeare venait de naître. L’Europe entière, excepté l’Italie, sortait à peine de la barbarie du moyen-âge. Avant de nous occuper du livre, jetons un coup d’œil sur la vie de l’auteur, qui ne fut pas seulement un des plus grands écrivains de l’Espagne, mais un des plus illustres seigneurs de son temps.

Don Diego Hurtado de Mendoza naquit à Grenade, à la fin de 1503 ou au commencement de 1504. Son père, don Iñigo Lopez de Mendoza, second comte de Tendilla et premier marquis de Mondejar, était fils du premier comte de Tendilla, neveu du premier duc de l’Infantado, et petit-fils du premier marquis de Santillane. Sa mère,