Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
280
REVUE DES DEUX MONDES.

nommé Maimbourg qui, dans son Histoire de la Ligue, maltraite fort les prétendus états ? Est-ce qu’il n’y a pas, au XVIIIe siècle, un bon chanoine appelé Anquetil qui, dans un ouvrage judicieux et trop dédaigné sur l’Union, ne s’est pas fait faute de toucher quelque chose de l’air de ridicule qui discrédita cette chambre ? Est-ce qu’il n’a pas été enfin, de notre temps, parlé, dans l’Histoire des Français de Sismondi, d’une assemblée qui n’eut rien d’énergique, rien de national ? J’abandonne M. Bernard à ces contradictions, à ces luttes, s’il les daigne entreprendre ; je le laisse aussi discuter les erreurs après les opinions, et faire remarquer, par exemple, à M. Capefigue que, d’une part, les états de Paris n’ont pas pu s’assembler à Reims, et qu’il est difficile d’un autre côté que ces mêmes états de 1593 aient eu lieu en 1591. Le reproche est très sévère toutefois : quand on n’a écrit, comme l’auteur de l’Histoire de la Réforme et de la Ligue, qu’un petit résumé de huit gros volumes sur un sujet spécial, on peut bien prendre ses libertés avec les dates, et traiter la vile chronologie d’un air de gentilhomme qui daigne condescendre aux lettres ; mais M. Bernard, qui ne tranche pas du grand seigneur avec les faits, et qui est tout simplement un compilateur exact, dont la moindre erreur de détail suffit à éveiller la susceptibilité, M. Bernard n’a pas voulu faire grace de ces vétilles à M. Capefigue. C’est la malice d’un ombrageux bourgeois des communes contre quelque aventurier féodal qui fait brèche à son champ ou ravage en passant sa récolte.

Malgré les réserves nombreuses que m’imposait la défense de la vérité historique, singulièrement compromise par la tendance de M. Bernard aux réhabilitations fâcheuses, je tiens à rendre toute justice à l’opportunité comme au mérite solide de son ouvrage. On lui devra assurément l’une des publications les plus intéressantes que le gouvernement ait favorisées depuis long-temps, et c’est bien quelque chose dans un moment où, la mode se mêlant de manuscrits, on regarde comme très méritoire d’imprimer pêle-mêle, sans choix, sans critique, tous les fatras inédits qui encombrent les bibliothèques. Le document mis au jour par M. Bernard comble au moins une lacune véritable. Il a même une autre valeur que la valeur historique ; il a un intérêt littéraire dont l’éditeur ne paraît pas se douter, et qui donne à sa publication une importance qu’en juge sympathique de la ligue il doit probablement répudier. Les procès-verbaux en effet de l’assemblée de 1593 sont, avant tout, une pièce justificative de la Satire Ménippée.

M. Bernard devrait, ce semble, professer quelque reconnaissance pour ce spirituel ouvrage qu’il ne nomme qu’en passant et du ton dégoûté d’un historien plein de dédain pour les pamphlets. Si les états de l’Union ont en effet conservé quelque célébrité, une grande célébrité même, c’est à la Ménippée qu’ils la doivent. Pour ma part, en ne mêlant pas davantage le souvenir piquant et égayé de ce charmant écrit à l’examen des procès-verbaux de la chambre ligueuse, j’ai eu une intention, j’ai agi par un sentiment de réserve historique et d’impartialité volontaire. Il entre dans ma conviction que les malins auteurs du Catholicon avaient raison sur presque tous les points. Ils m’inspirent, je