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REVUE DES DEUX MONDES.

— Ici, chez vous. Plusieurs voitures seront à votre porte ; vous les inviterez à monter dedans, et on les mènera là-bas sans rien dire.

— C’est bien fou ; mais ce serait joli et amusant, si cela ne se mêlait à des choses aussi sérieuses.

— Voulez-vous me dicter les adresses ?

— Écrivez.

Arolise dicta une douzaine d’adresses que du Bois écrivit fidèlement jusqu’au moment où elle dit :

« M. le baron de Lieben, place Royale, no 3. »

On se rappelle que du Bois avait ses raisons pour ne pas rencontrer le baron. Il fit une légère grimace ; mais, se remettant bientôt, il écrivit, à la place du nom qu’on lui dictait, le premier nom qui lui vint à l’esprit, et mêla cette lettre aux autres.

— Et vous, dit Arolise, n’invitez-vous pas quelques amis ?

— Certainement, en première ligne Arthur du Bois.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Ça ?… c’est un de nos jeunes gens à la mode, un garçon auquel on trouve généralement de la figure et de l’esprit.

— Ah ! un vilain nom.

— Ce n’est pas ce que vous croyez ; cela ne s’écrit pas Dubois d’un seul mot comme les valets de comédie ; ce nom vient d’une propriété, d’un bois, d’un bois immense qui a appartenu, dit-on, à sa famille, et s’écrit en deux mots, du Bois.

— Au reste cela m’est égal.

Il écrivit encore quelques adresses. Arolise sonna, un domestique prit les lettres, et du Bois ordonna de les mettre à la poste.

— Mais, dit Arolise, ne serait-il pas plus convenable de les faire porter ?

— C’est vrai, mais ce serait moins sûr. Portez-les à la poste.

Arolise avait envie d’attendre ses invités et de les conduire à l’île, comme on en était convenu ; mais du Bois insista si long-temps, qu’elle finit par céder au désir qu’il manifestait qu’elle vînt jeter un coup d’œil sur les préparatifs. — Ce ne sera pas long, disait-il, et vous pourrez revenir ici avant leur arrivée.

Le jour désigné pour la fête, vers une heure de l’après-midi, du Bois emmena Arolise et Mélanie. Les invitations n’étaient que pour quatre heures. Les chevaux gris feraient la route facilement en une heure. Il ne fallait pas une heure certainement pour qu’Arolise vît si