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FEU BRESSIER.

bras, de la terre au bateau, des enfans et des chiens. Je ne laissai pas voir la moindre hésitation.

« Mais me voici arrivé au point sérieux de mon récit. Il était à peu près deux heures de l’après-midi, lorsqu’une voiture s’arrêta près de la rivière. Il en sortit deux femmes et un homme. L’homme s’approcha du bord de l’eau et m’appela, car j’étais alors sur l’autre rive : — Ohé ! la nacelle !

« Je me sentis un peu embarrassé. La voiture était une voiture de louage, mais le cavalier était convenablement vêtu ; les deux femmes, autant que l’éloignement me permettait de le voir, étaient jeunes et bien mises. Mon rôle me parut plus difficile vis-à-vis de ces nouveaux arrivés. Ces réflexions firent que j’hésitai un moment à répondre et que l’étranger m’appela une seconde fois. Je répondis cette fois, et me mis en devoir de traverser la rivière pour les aller prendre. Je n’étais pas encore sur l’autre rive qu’il me reprocha durement de les avoir fait attendre, et de ne lui avoir pas répondu tout de suite. Je me sentis rougir de colère ; mais je pensai à l’instant qu’il serait à moi parfaitement ridicule de me fâcher parce qu’on me prenait réellement pour ce que je voulais paraître, pour un batelier au service et aux ordres de ceux qui le paient, et je répondis en m’excusant que je n’avais pas entendu, parce que le vent portait de l’autre côté. Mais quel fut mon étonnement, lorsque, dans une des deux femmes qui alors s’approchèrent de moi pour monter dans mon bateau, je reconnus Mlle de Nérin !… »

XXVI.
[PARENTHÈSE.]

L’auteur est forcé d’interrompre ici la narration de Louis de Wierstein pour expliquer à ses lecteurs pourquoi ledit Louis de Wierstein fut si étonné en reconnaissant Mlle de Nérin.

Louis, presque encore adolescent, demeurait avec ses parens vis-à-vis l’hôtel de M. de Nérin ; Mlle de Nérin, alors au couvent, venait quelquefois passer une journée chez ses parens. C’est dans une de ces journées que Louis l’aperçut à une fenêtre ; il la trouva charmante, comme elle était en effet. Louis lui écrivit une déclaration d’amour, et chargea de la remettre une femme de chambre à laquelle il glissa dans la main un louis amassé avec grande peine. La femme