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FEU BRESSIER.

pas pu le remercier, je me mis à genoux et je priai Dieu de le récompenser. Oh ! oui, Dieu le récompensera, bien sûr.

— Il est tard, dit ma tante ; partons.

« Elle nous conduisit quelques pas hors de sa maison. Louis, en nous voyant, se hâta de disposer sa voile ; mais tout à coup la paysanne nous quitta, se précipita vers lui, le regarda, tomba à ses genoux, les embrassa en criant : — C’est lui ! c’est lui !

« Nous nous approchâmes. Louis s’efforçait de la relever ; enfin il y réussit, lui demanda comment allait l’enfant, lui promit qu’il revendrait la voir, et nous partîmes. Louis nous plaça dans le bateau comme nous étions en venant ; mais, comme il fallait remonter le courant et diriger la voile, il se plaça à la pointe du bateau derrière nous. Ni ma tante ni moi nous ne parlions. Louis fumait.

« Cependant, comme nous étions près d’arriver, ma tante, se retournant, dit : — Louis, dans quelques jours, je demeurerai dans le village pour le reste de l’été. Nous ferons quelques promenades avec vous.

« Je m’étais retournée aussi. Louis rougit d’une manière visible.

« Nous arrivâmes. Ma tante dit : Comme nous ferons souvent de pareilles promenades, il faut établir nos conventions. Vous devez avoir un prix, un tarif ?

— Oui, madame, dit Louis ; c’est un franc par heure.

« Ma tante regarda à sa montre et dit : Il y a deux heures.

« Je me hâtai de payer Louis ; j’avais peur que ma tante ne jugeât à propos de lui donner une pièce de cinq francs et de refuser la monnaie.

« Ma tante me dit, quand nous fûmes en route : Combien lui as-tu donné ?

— Mais, dis-je, quarante sous.

« Elle réfléchit un moment et me dit : Tu as peut-être eu raison.

« Depuis ce temps nous sommes venues nous établir au village ; il y a de cela plusieurs jours. Mais les embarras de l’installation nous ont pris tant de temps, que nous ne sommes pas allées une fois sur le bord de l’eau.

« Mélanie. »