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ESQUISSES DE MŒURS POLITIQUES.

LE DÉPUTÉ.

J’applaudis à tous les discours de vos amis : — Très bien, très bien. — On le met au Moniteur, et c’est d’un bon effet.

LE MINISTRE.

C’est excellent.

LE DÉPUTÉ.

J’ai signé toutes les listes pour le scrutin secret quand vous l’avez désiré, et vous savez si c’est agréable ; on fait lire les noms par le président, et l’opposition s’en donne à cœur joie. Il faut entendre Glais-Bizoin…..

LE MINISTRE, à part.

Où veut-il en venir ? je tremble. (Haut.) Vous êtes un de nos fidèles, nous ne l’oublions pas.

LE DÉPUTÉ.

Je veux vous le prouver en vous rendant service.

LE MINISTRE.

Voyons.

LE DÉPUTÉ.

La préfecture de Dijon est vacante en ce moment ; je viens vous indiquer le seul homme que vous puissiez y mettre en toute sécurité. Vous avez bien des préfets faibles, faites-y attention. C’est le sous-préfet de……, un administrateur distingué, par ma foi ! Il a fait passer votre candidat aux dernières élections, et a renversé celui de l’opposition ; avec cela, laborieux, instruit, habile à conduire les hommes. Il connaît le monde. Quand on a été agent de change pendant dix ans…

LE MINISTRE.

N’a-t-il pas éprouvé… des malheurs de bourse ?

LE DÉPUTÉ.

Il a tout payé… c’est ce qui l’a décidé à entrer dans l’administration. Dès le début, il s’est placé au premier rang : si j’en parle ainsi, ce n’est pas parce qu’il est mon frère : la parenté ne me fait pas illusion.

LE MINISTRE.

J’entends bien.

LE DÉPUTÉ.

Il se plaît fort à …… et ne demande pas d’avancement ; il ne sait pas ce que c’est que solliciter : il me ressemble.

(Le secrétaire-général passe la tête à la petite porte du cabinet particulier.)
LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL.

Monsieur le ministre peut-il me donner quelques signatures très urgentes ?