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REVUE DES DEUX MONDES.

LE MINISTRE.

J’ai été obligé de courir toute la soirée, au château, chez le comte de *** à l’ambassade anglaise… Que disait-on au foyer ?

LE CHEF DU CABINET.

Hum ! j’ai entendu beaucoup de propos contre le cabinet. L’orage gronde ; plusieurs députés, autrefois vos amis, ne tenaient pas un bon langage.

LE MINISTRE.

Pure grimace. Nous les retrouverons au scrutin.

LE CHEF DU CABINET.

Peut-être.

LE MINISTRE.

Mais qu’avez-vous entendu ?

LE CHEF DU CABINET.

R…… disait que les ministres sont inabordables depuis qu’ils se croient sûrs de la majorité.

LE MINISTRE.

Majorité bien solide en effet ! Elle dépend de l’humeur de l’un, du caprice de l’autre, de l’ambition de tous. Je n’ai pas assisté à l’enterrement de sa femme. Il est susceptible et fait l’important ; qu’on lui porte ma carte et que l’on plie le coin. Puis, vous lui enverrez une de mes loges ; il n’est pas si veuf qu’il ne sache en tirer bon parti.

LE CHEF DU CABINET.

L…… se plaint des places données à la faveur. Le ministère, dit-il, n’a aucun souci des règles de l’avancement ; le népotisme fait chaque jour des progrès effrayans ; que vous dirai-je ? toutes les phrases de nos puritains.

LE MINISTRE.

Il est mécontent qu’on n’ait donné qu’une sous-préfecture à son fils. En voulait-il deux ? Il prêche pour l’avancement dans l’intérêt de son neveu, le plus sot et par conséquent le plus ancien substitut du royaume. Il faudra faire encore quelque chose pour lui : il a des rapports avec le Journal des Débats, et son mécontentement m’explique…

LE CHEF DU CABINET.

B…… a passé à côté de moi sans me saluer ; on eût dit d’un membre du dernier cabinet.

LE MINISTRE.

Je l’avais bien prévu. On ne l’a pas invité au concert de la reine ; il est piqué. Je parlerai à sa femme ; elle en fait ce qu’elle veut. On ne sait pas assez le parti qu’on peut tirer des femmes dans les affaires publiques. Malheur à qui