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REVUE. — CHRONIQUE.

pas le gouvernement nouveau ; là on suscite toute sorte de difficultés, d’embarras, on cherche à se mêler aux questions intérieures, et Dieu sait si c’est pour les arranger, pour en rendre du moins la solution plus facile !

Quant à la Belgique, on a fait tout ce qu’on a pu pour en retarder l’établissement définitif, pour qu’en tout cas cet établissement fût loin d’être parfait. Aujourd’hui le royaume des Belges est enfin constitué, son existence politique est reconnue ; par une pensée dont nous ne voulons pas discuter la valeur, on a imaginé de lui appliquer le principe de politique extérieure qui régit la Suisse, le principe de neutralité. Nous le voulons bien. Qu’une guerre venant à éclater on respecte le territoire belge, la France ne manquera pas de le respecter à son tour ; elle le respectera mieux que les ennemis de la France ne respectèrent le territoire de la Suisse en 1814. Voilà pour la politique.

Mais un état ne vit pas seulement de politique ; il doit aussi songer à ses conditions économiques, c’est-à-dire à sa vie de tous les jours, à sa vie matérielle. C’est là un tout autre ordre de faits et d’idées que ceux de la politique proprement dite. C’est ce que n’ignorent pas probablement ceux qui ont plus d’une fois sollicité la Suisse, la Suisse neutre, de s’associer avec eux sous le rapport des intérêts commerciaux et des douanes.

Or, les conditions économiques de la Belgique sont intolérables. On le sait bien, et c’est parce qu’on le sait qu’on désire, avant tout, que la Belgique demeure dans son état actuel. On se flatte que ces enfans d’une révolution seront ainsi ramenés à la raison par la famine ; on se flatte du moins de les voir toujours mécontens, inquiets, prêts à tout, comme gens qui étouffent et qui veulent à tout prix respirer. C’est comme pour la Suisse, comme pour l’Espagne. « Vous êtes malades, malheureux, nous le savons bien ; mais aussi pourquoi en faire à votre tête ? pourquoi vous écarter de notre ligne ? pourquoi repousser nos conseils ? N’exagérons rien. Ceux qui parlent de la sorte n’ont aucun but déterminé, aucun projet formé à l’égard de ces pays. Il y a plus : il se présenterait demain l’occasion de faire quelque chose, de tenter un grand coup, qu’ils ne la saisiraient pas, car la paix européenne est un besoin impérieux pour tout le monde ; elle est, comme on dit aujourd’hui, une nécessité de notre temps. Il ne faut jamais oublier que nous sommes loin d’être les seuls qui désirions la paix et qui en ayons besoin. La paix durera long-temps encore, quoi qu’en pensent les gouvernemens, parce que les peuples la veulent, et qu’aujourd’hui on ne peut nulle part, pas même sous les gouvernemens absolus, entreprendre une grande guerre sans avoir pour soi l’opinion publique. Or, certes, l’opinion publique n’aurait que des anathèmes pour quiconque imaginerait de troubler la paix du monde par cela seul que la Belgique aurait préféré le tarif français au tarif allemand, et qu’elle aurait signé une union purement commerciale avec nous.

Encore une fois cependant, s’il n’y a point de projet arrêté, point de but déterminé, à l’égard des pays que nous venons de mentionner, on aime du moins à les inquiéter, à les décourager, à les savoir malheureux. C’est toujours quelque chose ; on ne sait pas ce que cela peut amener un jour. Dès