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LES AFFAIRES DE CHINE ET DE L’AFGHANISTAN.

Les annales de l’empire céleste prouvent cependant que les Chinois n’ont pas toujours eu cette aversion systématique pour toute relation avec les étrangers, et que l’isolement dans lequel ils se sont peu à peu renfermés n’est venu que de l’antipathie et du dégoût que leur inspiraient les querelles et les intrigues incessantes des Européens. On a remarqué avec justesse que les Chinois étaient un peuple pratique et peu crédule, qui avait probablement pris l’expérience pour base de ses relations internationales. Il paraît certain qu’autrefois les ports de la Chine avaient été ouverts librement au commerce étranger, et que les envahissemens des marchands européens, qui devenaient volontiers conquérans, avaient excité les inquiétudes des souverains de ce grand empire. Les pays voisins, comme le Japon et le Siam, paraissent avoir suivi la même marche, et s’être fermés également à l’accès des étrangers après s’y être prêtés pendant long-temps. Un homme qui a beaucoup écrit sur cette partie du monde, M. Montgommery Martin, a emprunté aux annales du gouvernement chinois des détails qui remontent jusqu’à 2000 ans avant Jésus Christ. Il paraît qu’en l’an 1700 (avant Jésus-Christ) le Yeu-Kow, « avec des cheveux coupés courts, » venait de l’Orient en Chine avec des sabres et des boucliers. En l’an 1000 de la même ère, la Chine faisait le commerce avec huit nations de l’Inde, et en l’an 121, l’empereur envoya des ambassadeurs dans plusieurs pays commerçans. Cette statistique, à laquelle on peut croire, si l’on veut, comme aux premiers rois de Rome, se continue jusqu’à l’époque de l’arrivée des Portugais, des Hollandais, des Français, etc. Ce fut en l’an 700 (après Jésus-Christ cette fois) que Canton devint pour la première fois un port de commerce régulier, et, en 1400, il y avait dans cette ville cent vingt maisons pour les marchands étrangers. Durant le XVIe siècle, les Portugais, les Espagnols et les Hollandais firent un commerce considérable avec Canton, Amoy, Ning-poo, Chusan, précisément les ports que les Anglais viennent de rouvrir. En 1658, les Portugais, chassés de Ning-poo, établirent une station à Macao ; ils payaient chaque année une rente de 500 taels d’argent au trésor impérial, dont les reçus étaient régulièrement donnés. L’Angleterre tourna son attention sur la Chine vers le commencement du XVIIe siècle ; en 1670, la compagnie des Indes avait une factorerie dans l’île de Formose, et faisait un commerce considérable surtout avec la province de Fo-kien. En 1676, elle avait un comptoir à Amoy, qu’elle abandonna en 1680, lors des guerres dynastiques des Tartares Mantchoux et des Chinois ; elle y revint en 1684, mais en fut expulsée en 1757, lorsque le commerce fut restreint au seul port de Canton et à Macao. Les Hollandais, en 1622, essayèrent, mais vainement, de prendre Macao aux Portugais ; ils s’établirent alors dans l’île Formose, en 1624, où ils restèrent jusqu’en 1661, époque à laquelle le pirate Caxinga les en chassa.

De curieux détails sur les relations commerciales de la Russie avec la Chine sont contenus dans un ouvrage russe de MM. Pallas et Muller, intitulé la Conquête de la Sibérie. Les premières communications entre les deux nations paraissent remonter au milieu du XVIIe siècle. À cette époque, les Russes, s’étendant sur les deux rives de la rivière Amour, se trouvèrent en