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LES AFFAIRES DE CHINE ET DE L’AFGHANISTAN.

sence. Lord Amherst répondit qu’il suivrait les précédens établis par lord Macartney, sur quoi les mandarins affirmèrent que lord Macartney avait exécuté le ko-tou, et produisirent un procès-verbal de la cour des cérémonies, prouvant que l’envoyé anglais s’était soumis à toutes les exigences de l’étiquette chinoise. Lord Amherst répondit alors qu’à son grand regret il se verrait obligé de refuser l’honneur de leur compagnie. Les mandarins firent appel à ses sentimens paternels, ils lui demandèrent s’il aurait le courage de priver son fils de l’inappréciable bonheur de voir l’auguste empereur de la Chine. Lord Amherst proposa une transaction ; il offrit de faire autant de saluts que les mandarins feraient de génuflexions. Les Chinois demandèrent que l’envoyé anglais mît aussi un genou en terre ; sur son refus, ils renoncèrent à leur demande, et, en dernier résultat, pendant que les mandarins, à genoux et les bras étendus, frappaient neuf fois la terre avec leurs têtes, lord Amherst et sa suite firent autant de saluts, après quoi l’on se mit à table. Il paraît que ce précédent avait été établi en 1669 par le commandant de la frégate française l’Amphitrite, le chevalier de Laroque, qui, dans un banquet que lui avait offert le vice-roi de Canton, avait fait neuf saluts pendant que les mandarins faisaient le ko-tou.

Après le banquet, les mandarins se montrèrent curieux de savoir comment l’ambassadeur anglais se conduirait devant l’empereur. Lord Amherst dit qu’il mettrait un genou en terre pour rendre hommage. Les mandarins le prièrent de le faire devant eux ; lord Amherst refusa, mais, sur la suggestion de sir George Staunton, qui faisait partie de l’ambassade, le fils de lord Amherst exécuta la cérémonie devant son père. Les Chinois demandèrent à l’ambassadeur s’il était disposé à faire des saluts, et lord Amherst ayant répondu qu’il ferait autant de saluts qu’eux-mêmes feraient de génuflexions, les mandarins se tinrent pour satisfaits.

L’ambassade était alors composée de soixante-quinze personnes, y compris les musiciens et les gens. Les mandarins demandèrent à voir la boîte qui renfermait la lettre adressée par le régent d’Angleterre à l’empereur, et ils voulurent déterminer lord Amherst à effacer les mots : « Monsieur mon frère, » disant que jamais ils n’oseraient lire pareille formule devant leur maître. L’envoyé anglais refusa et eut bientôt d’autres contestations à soutenir. Deux mandarins vinrent le trouver de l’air le plus triste, disant que l’empereur refusait absolument de le recevoir, s’il ne voulait pas exécuter le ko-tou. Lord Amherst proposa alors qu’un mandarin tartare, d’un rang égal au sien, fît la cérémonie devant le portrait du prince régent d’Angleterre pendant qu’il la ferait lui-même devant l’empereur de la Chine. Cette proposition ayant été considérée comme inadmissible, l’ambassadeur déclara qu’il se soumettrait au ko-tou, si l’empereur voulait ordonner, par un édit public, que le premier ambassadeur tartare qui irait en Angleterre ferait la même cérémonie devant la cour de Londres. Nouveau refus. Rien n’était plus curieux que les raisonnemens des mandarins ; ils étaient pleins de politesse et de prévenances pour lord Amherst ; ils lui disaient : « Faites la cérémonie, vous en direz ce que