des curés de sa paroisse, une touffe de barbe en pointe au menton, des yeux ardens, un teint coloré. Il était vêtu d’un pourpoint noir, avec large fraise et manchettes retroussées. Enfin il avait au cou la chaîne d’or et la médaille du grand-duc de Florence. Au-dessous du portrait, sur une table de marbre, on lisait cette épitaphe d’un nouveau genre.
« Passant, jette les yeux sur cette écriture, et tu sauras combien mon voyage a esté advancé ; tu ne seras pas marri si que je retarde un peu pour le tien : je suis Jacques Callot, ce grand et excellent cacographe qui repose en ce lieu en attendant la résurrection des corps. Ma naissance fut médiocre, ma condition noble, ma vie courte et heureuse ; mais ma renommée a esté et sera sans pareille. Personne ne m’a été égal en toutes sortes de perfections pour le dessin et la gravure sur l’airain. Toute la terre a consenti aux louanges extraordinaires qui m’ont esté données, sans que pour cela je sois jamais sorti de ma modestie naturelle. Je naquis à Nancy, l’année 1594, et mourus aussi à Nancy, le 25 mars 1635, au regret incroyable de la Lorraine, ma patrie, et de tous les plus rares esprits de notre siècle, et principalement de Catherine Kuttinger, mon épouse, qui, pour un dernier témoignange d’amitié, m’a fait ériger ce tombeau.
« Prie Dieu pour celui qui te ne priera jamais de rien, et passe. »
Les cordeliers, ne trouvant pas cette épitaphe à leur gré, l’effacèrent pour inscrire une épitaphe latine en beau style lapidaire terminée par ce distique : Stabit in æternum nomen et artis opus. Un ami de Callot, qui ne comprenait rien au grimoire des cordeliers, traça sous l’épitaphe latine ces lignes qui sont des vers, si j’en crois les rimes :
En vain tu ferais des volumes
Sur les louanges de Callot,
Pour moi je ne dirai qu’un mot :
Son burin vaut mieux que vos plumes.
Cette dernière épitaphe fut conservée ; on l’inscrivit sur un petit marbre ajouté sous le médaillon ; seulement on fit un erratum ; au lieu de vos plumes, on mit nos plumes, pour ne pas contrarier ces bons