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JACQUES CALLOT.

comme la défaite des Bourguignons, où les Nancéiens accordèrent au vainqueur de Gand, de Liége et de Monthléry, Charles-le-Téméraire, l’hospitalité de la mort. — Ah ! s’écriait Jacques Callot avec l’historien latin, les Grecs sont glorieux par leurs guerres, mais surtout par le récit de leurs victoires. Il ne manque plus à notre pays qu’un Xénophon. — Il laissa parmi ses gravures inachevées une figure allégorique de la Lorraine, surmontée d’un blason ayant pour devise : Dieu et mon épée. En effet, dans le beau temps du vasselage universel, la Lorraine était maîtresse d’elle-même, maîtresse de sa gloire, de son travail et de sa pensée. Jacques Callot était venu dans la splendeur du duché royal ; il avait assisté aux beaux règnes de Charles III et de Henri II. Toute la noblesse était illustre par ses actions, la bourgeoisie laborieuse et intelligente, le peuple heureux de ses chaînes légères ; les arts étaient dignement représentés en peinture, musique et gravure ; la religion avait pour appui la bonne foi de nos aïeux ; l’industrie élevait déjà ses manufactures ; le laboureur bénissait la paix honorable. Nancy, protégée de quatre bastions gigantesques, chef-d’œuvre d’Orphée de Galéan, semblait dire aux étrangers, par les ornemens en sculpture de ces bastions : Respectez l’empire des arts et de la liberté. Mais Jacques Callot eut la douleur d’assister à la décadence de sa nation (le mot est dans les écrits du temps). Charles IV, un soldat téméraire dont l’épée était toute la politique, laissa abattre peu à peu, par un fatal aveuglement, le noble et grand édifice que Henri lui avait confié. Sous ses mains imprudentes, Nancy perdait tout, hormis l’honneur. L’origine des grandes infortunes qui vinrent accabler ce pays fut Gaston d’Orléans, Charles IV lui accorda sa sœur en mariage. Le cardinal de Richelieu fut irrité contre cet allié de son ennemi à ce point que Louis XIII vint assiéger Nancy à la tête de ses meilleurs soldats. Le roi, sur les promesses du cardinal, s’imaginait qu’il allait réduire cette ville comme La Rochelle ; mais il fut désappointé en découvrant que Nancy était la place la mieux fortifiée et la mieux défendue du monde chrétien.

Louis XIII se tint à distance et perdit courage. La mauvaise saison arrivait, on se désespéra sous la tente du roi, on parla de lever le siége, quand le cardinal, qui voulait un triomphe à tout prix, au prix de l’honneur même, en vint à ses fins par un mensonge suivi d’une violation du droit des gens. Il attira le duc Charles près de Louis XIII, dans l’espérance de signer des préliminaires de paix. Le duc de Lorraine se présenta sans défiance au camp de l’armée fran-