Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/805

Cette page a été validée par deux contributeurs.
801
DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

lui appartiendrait-il d’augmenter en quoi que ce fût les ressources particulières ou la fortune publique ? Voilà l’objection dans toute sa force. Par ce qu’on vient de voir, elle est déjà presque résolue.

Non sans doute, vulgairement parlant, le crédit ne produit rien ; mais, sans ajouter par lui-même aucune valeur nouvelle à la masse des valeurs qu’un pays possède, n’augmente-t-il pas tout au moins son capital productif, s’il rend seulement à des emplois féconds toutes celles de ces valeurs qui dorment inactives ? Considérez la situation d’un pays tel, par exemple, que la France. Parcourez les ateliers, les magasins, vous trouverez partout des masses considérables de marchandises invendues. Nul doute qu’en tout temps leur importance ne surpasse de beaucoup celle du numéraire qui peut exister dans le pays. Elles sont à charge à leurs possesseurs, qui s’agitent en tous sens pour les vendre. Toutes ces marchandises pourtant, excepté celles qui sont destinées à la consommation définitive, pourraient être fructueusement employées par d’autres industriels, pour qui elles deviendraient, à leur grande satisfaction et à l’avantage du pays, ou des matières premières ou des instrumens de travail. Au lieu de cela, elles chôment en attendant les acheteurs. Sans doute elles s’écouleront un jour, mais lentement, à la longue, et jusque-là quelle perte de temps et de travail ! Supposez que, par l’effet d’une baguette magique, tous ces produits trouvent à l’instant leurs preneurs ; que, d’une part, les magasins encombrés se vident ; que, de l’autre, tous ceux qui sont capables d’utiliser les produits existans soient pourvus ; qu’en un mot, toute la masse des marchandises à vendre passe rapidement, sans lenteurs et sans obstacles, de l’état de produit inerte à celui de capital actif : quelle activité nouvelle dans le pays ! quelle exaltation soudaine de la puissance productive ! et bientôt quel accroissement de la richesse ! La baguette magique, c’est le crédit, et cette transformation rapide est précisément le bienfait qu’il réalise.

Les bienfaits du crédit procèdent, en effet, de ce seul fait, qu’il active le service des capitaux. Il les ramène sans cesse vers des emplois féconds ; il abrège le temps de leur inertie, de leur sommeil, et multiplie en quelque sorte leur puissance reproductive. C’est ce qu’on exprime ordinairement par ce mot énergique, activité de la circulation, mot bien connu, quoique rarement compris dans sa portée. Tout cela, réduit à sa plus simple expression, revient donc à dire, que le crédit amène une circulation plus générale et plus active. Mais que de choses dans ces seuls mots ! Pour l’homme qui sait voir, tout est là : puissance productive, travail, richesse, bien-être de tous et de chacun.

C’est à l’aide de ce mot, activité de la circulation, qu’on peut expliquer ce phénomène, autrement inexplicable, de négocians et industriels faisant tous, à l’aide du crédit, dix fois plus d’affaires qu’ils n’en feraient privés de ce secours. Ils font dix fois plus d’affaires : est-ce à dire que les valeurs existantes entre leurs mains soient, dans un moment donné, dix fois plus considérables qu’elles ne le seraient sans le crédit ? Assurément non, car d’où