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RICHARD.

repos, elle était grave et fière. L’intelligence rayonnait sur son front et la bonté dans son sourire. Ses cheveux noirs, fins et luisans, se rabattaient sur ses tempes comme deux ailes de corbeau. Ses grands yeux bruns avaient le regard limpide, curieux, doux et sauvage, de la biche errant dans les bois. Sous son costume d’amazone, on eût dit une jeune guerrière, une blanche héroïne des temps chevaleresques. Richard, qui s’était attendu à ne trouver dans la sœur de M. de La Tremblaye qu’une petite pensionnaire, observait avec un sentiment d’admiration mêlée de surprise cette charmante créature, qui unissait, par un rare et précieux privilége, à la suavité de la beauté britannique la calme gravité de la beauté romaine.

À la tombée de la nuit, la calèche s’arrêta devant la grille du château. Après avoir installé son hôte dans un pavillon élégant, rempli de livres et de fleurs, et caché comme un nid sous un massif de feuillages :

— Monsieur, lui dit M. de La Tremblaye, veuillez regarder cette maison comme vôtre. Je compterai au nombre de mes jours heureux les jours que vous consentirez à perdre sous notre toit.

— Votre noble et généreuse hospitalité m’est déjà connue, répondit Richard ; mais j’ignorais que vous eussiez pour sœur un ange de grace et de beauté.

— Un ange en effet, ajouta M. de La Tremblaye. Parfois vous me demandiez, à Auteuil, le secret de ma philosophie : ce secret, vous le connaissez à cette heure. Ne pensez pas que le sort m’ait fait grace ; j’ai vécu, j’ai souffert ; j’ai long-temps, comme vous, désespéré de toutes choses. C’est Pauline qui m’a sauvé. C’est elle qui m’a rattaché à l’éternelle loi de l’ordre et du devoir. Elle m’a rajeuni en me rendant meilleur. La fraîcheur de son ame a passé sur mon cœur ; j’ai mis ses illusions à la place des miennes ; j’ai, pour ainsi dire, reverdi sous ses espérances, comme un rameau brisé sous des pousses nouvelles. Elle est un second printemps dans ma vie. Vous l’avez dit, monsieur, c’est un ange ; c’est l’ange gardien que nous appelons une sœur.

Lorsqu’au bout de quelques jours M. de Beaumeillant parla de son départ : — Pourquoi vouloir nous quitter si tôt ? lui dit M. de La Tremblaye d’un ton de reproche affectueux. Notre hospitalité vous est-elle importune ? Votre cœur se sent-il mal à l’aise avec nous ? S’il en est ainsi, partez ; mais si notre affection vous est bonne, et si nulle affaire ne vous presse, restez, votre présence nous est chère.