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LES ANGLAIS DANS L’HINDOUSTAN.

brûlant du désert vient s’engouffrer sous ces voûtes qui retentissaient autrefois des accords de la scitare (guitare) ou du dol[1]. Surpris de cet abandon, si vous interrogez le musulman, il vous répondra « Quand la destinée est là, toute précaution est vaine ! » Cette croyance, qui fit autrefois la grandeur des disciples du prophète, est maintenant la cause de leur décadence. Questionnez l’Hindou, sa réponse sera bien différente : « Elle s’est emparée du pays par la ruse ! » dira l’Hindou au caractère souple et rampant, en parlant du kompeire sahéb bahadour, l’honorable et victorieuse compagnie.

L’ancien système monétaire, si pur, entièrement exempt d’alliage, a été en partie réformé ; les monnaies des conquérans contiennent une grande quantité d’alliage, et sont entièrement dépréciées par les indigènes.

De tant de royaumes répandus sur la vaste presqu’île gangétique, trois seulement ont échappé à la ruine générale causée par le défaut d’organisation militaire, ainsi que par l’indécision et le manque d’accord entre des états que séparent les uns des autres la religion, le langage, les mœurs et les traditions. Ces trois royaumes sont le Birman, le Népaul et le Pendjab. Ce sont aussi les seuls qui aient conservé les moyens de lever et entretenir des armées ; mais ces armées ne pourront jamais lutter avec avantage contre le gouvernement anglo-hindou, tant qu’elles ne seront pas organisées sur le pied militaire de l’Europe. Or on ne peut douter que la discipline européenne ne leur soit applicable. Il suffit de voir les deux cent mille cypaies que l’Angleterre a enrégimentés d’une manière si admirable, qu’on ne peut distinguer qu’à la couleur ces régimens de ceux de la reine ; il y a même parmi eux moins d’infractions aux lois du code militaire. Le titre de guerrier inspire au cypaie une telle fierté, qu’il s’est fait exempter d’un châtiment dégradant qu’on inflige encore au soldat anglais, je veux parler de la bastonnade. Toutefois cette fierté n’engendre pas la licence.

Les Birmans et les Népalais ont déjà essayé leurs forces contre les troupes de la compagnie : ils ont déployé dans cette lutte une bravoure extraordinaire ; mais que peuvent faire des masses indisciplinées contre les manœuvres et l’artillerie habilement conduites ? Ils ont eu à regretter la perte de quelques provinces et celle de leurs plus braves défenseurs, fort heureux encore si ces désastres devaient

  1. Tambour que les Indiens frappent alternativement des deux mains en s’accompagnant de la voix.