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LES ANGLAIS DANS L’HINDOUSTAN.

Amrutsir, Kaschemir, Loudiana, leur fournissent les châles nécessaires dans la saison froide. La France envoie les objets de mode et de fantaisie, ainsi que ses vins fins et ses eaux-de-vie. Genève fournit son horlogerie. On le voit, le commerce de ce vaste empire n’est pas aussi profitable à l’industrie anglaise qu’on pourrait d’abord être porté à le croire. L’Hindou a peu de besoins ; quelle que soit l’augmentation de sa fortune, ses dépenses restent à peu près les mêmes. Ses goûts sont en tout opposés à ceux des nations civilisées de l’Occident. Il n’y a que les omrav (nobles) qui se montrent fastueux et prodigues ; mais c’est en femmes, en chevaux, en éléphans, en esclaves, qu’ils dissipent leur argent. À peine trouve-t-on chez eux quelques tableaux, quelques armes d’Europe, quelques objets de luxe insignifians. Quant aux clans montagnards situés sur les flancs méridionaux des Himalayas, on ne voit chez eux aucun article d’origine anglaise.

L’Inde, qui autrefois recevait de l’Europe les métaux précieux en échange de marchandises, est maintenant obligée d’en fournir continuellement. On sait qu’une partie considérable de l’argent qui, sorti des mines de l’Amérique, était emporté en Asie par diverses routes, arrivait dans l’Hindoustan. D’un autre côté, une multitude de navires indiens, hollandais, anglais ou portugais, allaient tous les ans porter des produits de l’Hindoustan au Pégou, à Tanasserim, Siam, Ceylan, Achem, Macassar, aux Maldives, à Mozambique, etc. Ils rapportaient aussi dans l’Inde beaucoup d’or tiré de ces divers pays. Une partie de l’argent que les Hollandais rapportaient du Japon venait tôt ou tard se vendre dans l’Hindoustan et n’en sortait plus guère ; car, bien que ce pays eût besoin de cuivre, de girofle, de muscade, de cannelle, que les Hollandais lui expédiaient du Japon, des Moluques, de Ceylan et d’Europe, et quoique l’Angleterre lui fournît du plomb, la France des écarlates, la Perse et l’Arabie des chevaux, la Chine du musc et de la vaisselle, les îles de Bahrein des perles, le Caboul des fruits, etc., les métaux précieux n’en restaient pas moins dans le pays, parce que les négocians recevaient en échange des marchandises, y trouvant mieux leur compte qu’à remporter de l’argent. L’Hindoustan était devenu ainsi comme un abîme où venait s’engloutir une grande partie de l’or de l’Europe et de l’Asie. L’Angleterre a trouvé moyen d’épuiser cette mine si féconde sans en employer la moindre partie en monumens ou en objets d’utilité publique. Tout ce que l’Inde possède en ce genre remonte à ses princes indigènes ; la compagnie n’a pas ouvert un puits, creusé un