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qui s’est illustré par les plus admirables découvertes. Il ne suffit pas de citer le calcul des variations ou de faire quelques phrases banales sur le calcul des probabilités[1] pour se croire en droit de traiter avec si peu de ménagement une des plus belles illustrations de la France. En se lançant dans cette mer périlleuse, il aurait fallu du moins faire preuve de connaissances mathématiques très étendues ; malheureusement M. Demoulin, dans la pièce qu’il a envoyée au concours, est tombé dans des erreurs graves[2], qui, s’il ne les corrige pas à l’impression, seront jugées sévèrement par tous les savans, justement blessés des attaques dont Pascal a été l’objet dans cette occasion.

Au reste, une voix éloquente a déjà vengé la mémoire de Pascal. Dans la dernière séance de l’Académie, le secrétaire perpétuel, pour adoucir sa critique, a dit avec beaucoup d’urbanité que M. Demoulin était un trop savant géomètre pour pouvoir rendre une entière justice à des travaux que le progrès des sciences avait laissés en arrière. À notre avis, ce n’est pas un profond savoir qui a donné cette sévérité au candidat couronné. M. Poisson, peu disposé en général à louer les recherches des anciens, ayant voulu connaître les moyens par lesquels, avant l’invention du calcul infinitésimal, Pascal était parvenu à découvrir certaines propriétés de la cycloïde, manifesta l’admiration la plus vive pour l’homme qui avait ainsi devancé son

  1. Dans sa pièce, M. Demoulin, qui certainement ne connaît pas le calcul des probabilités, et qui paraît ignorer que Laplace s’en est servi pour découvrir quelques-unes des lois les plus importantes du système du monde, dit que Pascal eut le bon esprit de n’appliquer ce calcul qu’à des jeux auxquels il est propre exclusivement, et de ne pas l’employer dans des questions philosophiques qui le repoussent. M. Demoulin n’oublie qu’une seule chose, c’est que Pascal avait appliqué le calcul des probabilités à la démonstration de l’existence de Dieu.
  2. À propos de la XXXIIe proposition d’Euclide, que Pascal découvrit tout seul dans son enfance, en y arrivant par la même voie qu’avait suivie le géomètre grec (comme on le voit par la préface du Traité de l’équilibre des liqueurs, imprimé quelques mois seulement après la mort de Pascal), M. Demoulin dit que rien n’était plus facile que de démontrer cette proposition à l’aide de la mesure des angles par les arcs de cercle. On sait que ce théorème a pour objet de prouver que la somme des trois angles d’un triangle est égale à deux angles droits. C’est là une proposition que personne n’a pu établir exactement sans admettre le célèbre postulatum d’Euclide. M. Demoulin rendrait un grand service aux géomètres s’il démontrait rigoureusement ce théorème à l’aide de la théorie des fonctions circulaires. Jusque-là ses remarques sur la facilité de parvenir à cette démonstration ne sauraient être admises, et l’inutilité des efforts des plus célèbres mathématiciens ne permet guère d’espérer que M. Demoulin aurait plus de succès que ses devanciers.