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LA TROISIÈME RELIGION DE LA CHINE.

chinois. Cette doctrine est celle du tao ; ce philosophe est Lao-tseu.

M. Stanislas Julien, qui a donné à l’enseignement du chinois tant de rigueur et de sûreté, vient de publier une traduction de l’ouvrage de Lao-tseu, intitulé le Livre de la Voie et de la Vertu, au moyen de laquelle on peut essayer de pénétrer dans la pensée subtile et souvent extraordinaire de ce philosophe. On peut se faire une idée des opinions qui sont populaires parmi les sectateurs du tao, avec le secours d’un livre également traduit par M. Julien, le Traité des Récompenses et des Peines, espèce de morale en action à l’usage des tao-ssé.

La doctrine des tao-ssé participe à la fois du système philosophique et du dogme religieux. « Lao-tseu, dit M. Julien, ouvre la série de dix philosophes célèbres qui ont fleuri en Chine avant l’ère chrétienne, et dont les œuvres, presque aussi inconnues en Europe que leurs noms, forment une collection de trente-quatre volumes petit in-folio. » En même temps, les sectateurs de Lao-tseu composent une société religieuse ayant ses chefs, son culte, ses superstitions particulières, et autorisée par la tolérance de l’état.

La religion du tao paraît plus ancienne que Lao-tseu lui-même. Celui-ci vivait en même temps que Confucius, au vie siècle avant notre ère. Bien long-temps auparavant, il y avait en Chine des sectaires qui s’attribuaient, comme les tao-ssé d’aujourd’hui, la puissance de deviner l’avenir, de procurer l’immortalité, de s’élever au rang des génies. Le père Amyot, parlant d’après les idées reçues à la Chine, voit là les devanciers des tao-ssé actuels. S’il en était ainsi, Lao-tseu aurait tiré sa doctrine d’une tradition antérieure, et eût été un réformateur dans son genre, comme Confucius dans le sien ; mais ce que les missionnaires, et en particulier le père Amyot, disent touchant les dogmes des tao-ssé avant Lao-tseu, me semble trop différent des opinions de ce philosophe, telles qu’elles sont contenues dans le Livre de la Voie et de la Vertu, pour qu’il soit bien démontré que les anciens sectaires du temps des Tcheou (1122 avant Jésus-Christ) aient pu offrir une grande analogie d’opinion avec les tao-ssé des temps postérieurs. Négligeant donc les antiquités de la secte, je ne la ferai dater que de celui qui est regardé généralement par les Chinois comme son fondateur, de Lao-tseu.

Il en est de Lao-tseu comme de la plupart des fondateurs de sectes ou de religions ; tout ce que l’on raconte de lui se borne à un petit nombre de faits certains entourés de beaucoup de fables. Son histoire est plus courte que sa légende. La première ne nous apprend