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pendamment de toute loi positive et locale, est une erreur ; la seconde est une vérité sans application possible au cas particulier.

L’insurrection des nègres de la Créole est un fait punissable en Amérique. — Je le sais, et je sais aussi que la confédération américaine n’est pas le seul état où ces faits sont nécessairement réputés criminels et punis des peines les plus sévères. Mais de quel droit voudrait-on imposer ces principes et ce langage à tous les peuples de la terre ? de quel droit voudrait-on ainsi, par une loi municipale, subjuguer la conscience humaine ?

Que sous les inspirations d’une religion toute de paix et de mansuétude, qu’en s’autorisant des sublimes et touchans exemples qu’elle nous présente, on enseigne aux esclaves l’obéissance et la résignation, nous le concevons, et nous sommes loin de blâmer ces pieux soins des serviteurs de Dieu. Qu’en descendant à un autre ordre d’idées, on ajoute que, dans leur propre intérêt et dans l’intérêt de leurs enfans, c’est par la soumission aux lois, par le travail, par le développement de leurs facultés plutôt que par la violence et l’insurrection que les esclaves doivent chercher leur affranchissement, nous le concevons encore. Nul ne conteste que dans les pays à esclaves le gouvernement n’ait un double devoir à remplir, le devoir de préparer sérieusement, efficacement l’abolition de l’esclavage, et le devoir de maintenir en même temps l’ordre et la paix publique. Est-il moins vrai qu’au point de vue du droit rationnel, nul ne peut qualifier d’assassin celui qui recourt même à la violence pour recouvrer sa liberté ?

« On nous a toujours enseigné, dit M. Wheaton, que le droit naturel est subordonné au droit positif de l’état, et si la loi municipale de chaque société civile a le pouvoir d’établir et de maintenir l’esclavage comme un état légal des personnes, il est impossible de supposer que les individus sujets à cette condition soient en droit de se libérer par un acte de violence qui porte les caractères d’un crime, et encore moins que la loi internationale permette aux autorités d’un état étranger d’intervenir pour protéger les criminels qui sont arrivés dans son territoire par une conséquence directe du crime commis par eux. »

Singulier raisonnement ! Le droit naturel est subordonné au droit positif de l’état. — Il serait certes facile de contester la justesse de cette pensée et la propriété de cette expression, subordonné. Mais voulût-on accepter le principe tel que M. Wheaton nous le donne, qu’est-ce à dire ? Que le droit positif de l’Amérique sera pour toutes