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MŒURS ÉLECTORALES DE LA GRANDE-BRETAGNE.

« Les électeurs disaient sans hésitation : « Nous ne voterons pas sans argent, » et la seule question qu’ils fissent était : « Combien nous donnerez-vous ?… » Ils étaient si décidés à se faire payer, qu’en beaucoup de cas ils réclamaient l’argent d’avance… J’attribuerais volontiers la cause de cette vénalité, d’abord à l’accroissement de la pauvreté, puis à l’absence de toute opinion politique. Beaucoup disaient : « Nous nous moquons de la politique ; c’est une affaire entre whigs et tories, et ni les uns ni les autres ne feront rien pour nous. »

D. — Avez-vous quelques détails sur le système de corruption ?

R. — Il n’y avait aucun système particulier ; les votans regardaient la chose comme toute naturelle, et n’avaient pas l’air de penser à mal. »

En présence de pareils faits, rien n’est plus curieux, ou, pour mieux dire, rien n’est plus plaisant que l’air innocent, l’air « agneau » que se donnent les candidats. À les entendre, ils ne savent pas de quoi on veut leur parler. Ils ont bien lu quelque part dans les livres ou dans les journaux qu’il se rencontrait quelque chose comme de la corruption dans les élections, mais, personnellement, ils s’en lavent les mains. Cela ne les regarde pas, c’est l’affaire de leurs amis. Peuvent-ils empêcher que leurs partisans ne se portent, en leur faveur, à quelques excès de zèle tant soit peu compromettans ? Sans doute ils donnent quelques milliers de louis, mais ils ne savent pas quel usage on en fait ; ils ne s’occupent pas de ces misères. Écoutez encore sir John Hobhouse. On lui demande quelle garantie il avait que son argent serait dépensé à son bénéfice, et il répond :

« Cela dépendait uniquement de la bonne foi d’un seul individu. Je n’avais d’autre garantie que sa parole, et il ne m’a jamais rendu de comptes en aucune façon.

D. — Avez-vous personnellement eu connaissance que de l’argent ait été donné pour des votes en votre faveur ?

R. — Très certainement non. »

À l’élection de Harwich, sur cent quatre-vingt-deux votans, deux candidats ont dépensé plus de 150,000 francs, sans compter ce qu’ont dépensé leurs concurrens. Le rapport de la commission dit :

« La plus grande partie des électeurs a été achetée. Les candidats déclarent solennellement que ni avant ni pendant l’élection ils n’ont eu connaissance d’aucun acte de corruption. »

En ce qui concerne l’élection de Reading, dans laquelle il a encore été dépensé quelques centaines de mille francs, les candidats affirment « qu’aucun argent n’a été employé directement à la corrup-