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la représentation nationale par la fondation d’une classe moyenne, se trouva détruit par les efforts des deux partis extrêmes. L’aristocratie, à laquelle on enlevait les bourgs pourris, y substitua des électeurs pourris.

Jamais peut-être le flot de la corruption n’avait plus coulé à pleins bords qu’il ne l’a fait aux dernières élections. Le scandale a été si grand, que le parlement lui-même a été obligé, bien à contre-cœur, d’en rougir, et a senti la nécessité de prendre des mesures de répression. C’est un député radical, M. Roebuck, qui a attaché le grelot, et c’est sur sa proposition et sous sa direction que la chambre des communes a mis, pour ainsi dire, en accusation six de ses membres, prévenus d’avoir employé des moyens de corruption dans leur élection.

L’enquête ordonnée à nette occasion par la chambre a révélé des faits extraordinaires. À l’élection de Harwich, il a été dépensé par M. Attwood et le major Beresford 6,300 liv. sterl. (157,500 fr.) dans un collége composé de 182 électeurs. Plus de 75,000 francs ont été répartis de la main à la main entre trente-trois personnes.

L’élection de Nottingham a présenté un exemple très curieux de ce qu’on appelle en Angleterre le système des compromis, et dont voici l’explication. Quand un candidat qui a échoué croit pouvoir prouver légalement que son concurrent a employé des moyens de corruption, il adresse à la chambre des communes une pétition contre son élection. Quand la corruption est prouvée, le collége électoral qui a été convaincu de s’être laissé acheter perd son droit de représentation. Si donc le candidat élu se voit menacé par l’évidence, s’il se voit près de perdre son siége au parlement, et, par suite, d’être la cause de l’interdiction du bourg qui l’a nommé, il transige avec son adversaire, et donne sa démission sous la condition que la plainte portée contre lui soit retirée, et en même temps il s’engage à ne pas s’opposer à l’élection de son concurrent, qui reste ainsi maître de la place.

C’est ce qui est arrivé, cette année, à Nottingham. Les candidats à la représentation de cette ville étaient, pour les whigs, sir John Cam-Hobhouse, l’ancien ministre des affaires des Indes, et M. Larpeut ; pour les tories, M. Walter, principal propriétaire du Times, et M. Charlton. L’élection était une des plus turbulentes de toutes celles des trois royaumes, et les candidats whigs y avaient déjà dépensé 300,000 francs, quand les deux candidats tories, qui de leur côté avaient déjà dépensé 125,000 francs, ayant recueilli, dès une demi-