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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

à l’un des deux règnes tout être organisé en qui les caractères de l’animalité ou de la végétabilité ont acquis un certain développement ; mais suivez de haut en bas ces deux séries si distinctes à leur sommet, vous les verrez se rapprocher et tendre de plus en plus vers un point de départ commun. Les caractères différentiels, d’abord si tranchés, s’effacent et disparaissent ; les analogies se multiplient, et bientôt la science devient impuissante pour décider la nature de l’être qu’elle étudie. Il est des familles entières qui, réclamées tour à tour par les botanistes ou par les zoologistes, passent pour ainsi dire d’un règne à l’autre dans nos classifications, au gré de chaque nouveau venu. Il en est qui, bien décidément séparées et placées dans des règnes différens, n’en offrent pas moins des ressemblances extrêmes, qui se distinguent les unes des autres plutôt par un ensemble de caractères secondaires que par une opposition formelle dérivant de leur essence même. Entre certaines algues et certains spongiaires, l’observation ne nous a encore révélé aucune différence fondamentale.

Cette espèce de fusion, qu’établissent entre les deux règnes les animaux et les végétaux inférieurs à structure très simple, nous la retrouverons sans doute un jour dans les espèces les plus élevées au moment de leur formation. Occupés jusqu’à présent à faire l’inventaire de leurs richesses, le botaniste, le zoologiste, n’ont étudié les objets soumis à leur examen que dans un état de développement complet ; l’embryogénie n’existe pas encore. Pourtant, dans le petit nombre de faits que nous possédons, il en est qui nous paraissent prêter une grande probabilité à ces idées. Nous avons signalé plus haut le changement de fonctions que présente le végétal à l’époque de la fécondation ; le même phénomène s’observe lors de la germination des graines, lors de la pousse des bourgeons : ici, le végétal fait un pas vers l’animalité. De ce point de vue, les recherches de M. Payen sur la matière azotée, trame primitive de tous les organes végétaux, nous paraissent d’un très haut intérêt. En revanche, il serait souvent difficile de dire en quoi l’embryon animal, surtout celui des espèces qui n’ont pas de circulation proprement dite, diffère de l’embryon végétal. Ces analogies, nous n’en doutons pas, deviendront de plus en plus frappantes à mesure qu’on avancera dans cette voie si peu explorée. Partout simple et une dans ses lois, la nature doit créer toujours, par des procédés identiques ; aussi la vie, en organisant ces premières ébauches, semble-t-elle ne savoir encore qu’en faire : on dirait qu’elle hésite entre l’animal et le végétal.