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examinons-en le produit. Nous trouverons exactement le poids de matière employé ; mais l’arsenic vitreux aura perdu sa transparence, il sera passé à l’état d’arsenic opaque, et les cristaux obtenus dans les deux dissolutions n’offriront aucune différence. Pour en arriver là, qu’a donc fait l’arsenic vitreux ? Il a dégagé de la lumière et de la chaleur jusqu’à ce moment inappréciable à l’aide de nos instrumens.

Ainsi les faits de ce genre, faits dont nous pourrions multiplier les citations, semblent tenir à ce qu’il existe des corps jouissant de la propriété de se combiner d’une manière permanente avec les élémens impondérables ou avec cet agent universel dont la chaleur, l’électricité, la lumière, ne sont que des manifestations. Mais, s’il en est ainsi pour quelques-uns, pourquoi n’en serait-il pas de même pour d’autres ? Pourquoi, à côté des composés instables que nous venons de signaler, ne s’en trouverait-il pas chez qui cette combinaison serait beaucoup plus durable par suite d’une affinité plus grande ? Pourquoi, par exemple, y aurait-il autre chose qu’une différence de ce genre entre le platine et ces métaux qui l’accompagnent toujours, qu’on ne rencontre qu’avec lui, et qui lui ressemblent à tant d’égards ? Non, non ; ne crions pas à la folie quand nous voyons des hommes d’un savoir réel douter de la stabilité de nos corps simples, les regarder comme pouvant n’être que les modifications d’un petit nombre d’élémens encore inconnus, et croire à leur transmutation.

Le moment serait d’ailleurs mal choisi. Aux faits que nous avons cités, la science vient d’en joindre de plus significatifs encore. Dans un travail des plus remarquables, un chimiste français, M. Péligot, a prouvé tout récemment que l’urane, regardé jusqu’à ce jour comme un métal, était en réalité un oxide. Et pourtant ce composé présente toutes les réactions ordinaires regardées comme l’apanage exclusif des corps simples. On parle tout bas, dans le monde scientifique, de résultats peut-être plus décisifs. Il n’y a pas à en douter, une ère toute nouvelle se prépare pour la chimie, et nous ne craignons pas de prédire aux savans qui les premiers entreront dans cette voie qu’une glorieuse place leur est réservée à côté de Lavoisier, de Priestley et de Cavendisch.

S’il peut y avoir quelque chose de hasardé dans ces idées quand on les applique à la chimie inorganique, il n’en est plus de même dès qu’on abandonne la nature morte pour s’occuper des corps organisés. Ici plus de doute possible ; nous sommes en pleine alchimie. Il n’est peut-être pas sur le globe une espèce animée ou végétale qui ne possède ses principes immédiats spéciaux. Les réactions artifi-