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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

la masse mise en expérience briller d’une vive lumière, comme si elle avait pris feu. Au bout de quelques instans, cette incandescence inexplicable disparaît, et l’appareil ne présente plus que le degré de chaleur dû au feu qui l’entoure. Laissez alors refroidir votre oxide et examinez-le attentivement, sa couleur n’est plus la même, elle est devenue d’un beau vert. Jetez-le dans un acide, et ce dissolvant naguère tout-puissant se trouvera sans action sur lui ; propriétés physiques et chimiques ont également changé. Ce n’est donc plus le même corps. Pourtant la balance et l’analyse nous apprennent que l’oxide n’a ni perdu ni gagné le moindre atome de matière pendant l’opération, et, pour le ramener à son premier état, il suffit de le plonger pendant quelques heures dans un bain d’acide sulfurique à une température peu élevée.

Si l’on tient le verre ordinaire dans un état de fusion tranquille et long-temps prolongée, ce corps perd toutes les propriétés si connues qui en font une des plus précieuses conquêtes de l’industrie humaine. De transparent il devient opaque ; sa fragilité proverbiale disparaît ; il acquiert une dureté telle qu’il fait feu sous le briquet comme la pierre à fusil ; en même temps sa fusibilité diminue au point que l’on pourrait s’en servir comme creuset et y fondre d’autre verre de même composition. Les fours de verreries présentent assez souvent de ces masses de verre déverrifié, si l’on peut s’exprimer ainsi, et ramené à l’état de roche. Qu’on le soumette à l’analyse, et l’on y retrouvera tous les élémens du verre le plus fragile et le plus transparent combinés dans leurs proportions ordinaires.

Certes, c’est là de l’alchimie, et la transmutation du mercure en or ne serait guère plus merveilleuse. Mais que se passe-t-il donc dans ces phénomènes si bien faits pour attirer toute notre attention ? Une très belle expérience due à M. Rose nous permet de le soupçonner. Tout le monde connaît l’arsenic ; ce corps peut être obtenu sous deux états différens, presque incolore et transparent comme du verre, ou entièrement opaque et de couleur blanche : c’est donc un corps dimorphe. Dans l’un et l’autre cas, sa composition, ses propriétés chimiques sont les mêmes, et il peut également se dissoudre dans l’acide muriatique. Eh bien ! plaçons dans l’obscurité deux dissolutions également concentrées, l’une d’arsenic vitreux, l’autre d’arsenic opaque, et laissons-les cristalliser. Cette dernière ne manifestera aucun phénomène particulier. Dans l’autre, au contraire, chaque petit cristal, en se déposant, dégagera une vive lumière, et en même temps la température du liquide s’élèvera. La cristallisation terminée,