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rendait. Elle cherchait à s’éclairer elle-même en étudiant les procédés pratiques consacrés par l’expérience. Aujourd’hui, non contente d’ouvrir des voies jusqu’alors inconnues aux industries déjà existantes, elle en crée à chaque instant de nouvelles. Naguère on ne trouvait que dans l’officine des apothicaires les substances diverses que seuls ils se chargeaient de préparer ; aujourd’hui on rencontre partout de vastes manufactures de produits chimiques. Pendant nos guerres générales de la révolution, la potasse menace de manquer ; on la remplace par la soude, extraite du sel marin. Les croisières anglaises empêchent le sucre de nos colonies d’arriver jusqu’à la métropole ; on a recours aux plantes indigènes, et bientôt notre humble betterave lutte contre ces roseaux privilégiés que mûrissent les feux du tropique. M. Chevreul, dans un travail en apparence tout scientifique, nous fait connaître la véritable nature des corps gras ; quelques années après, la bougie à bon marché pénètre dans les petits ménages et vient en chasser la classique chandelle. Au milieu de ces utiles applications de la chimie, la médecine ne pouvait être oubliée. Grace aux chlorures alcalins, nous décomposons les miasmes les plus redoutables. Sertuerner reconnaît un des principes essentiels de l’opium, et bientôt MM. Pelletier et Caventou, réalisant en quelque sorte les rêveries pharmaceutiques de Paracelse, découvrent une longue liste de ces alcalis végétaux, qui donnent aux substances végétales leurs propriétés les plus énergiques.

On comprend sans peine que la physique de mots et d’argumens que s’étaient si long-temps transmise nos écoles dut disparaître devant cette direction nouvelle. Déjà rudement attaquée par Paracelse, elle avait été ébranlée jusque dans ses fondemens par Becher et par Stahl ; elle succomba devant Lavoisier. À partir des premières années de ce siècle, il n’est plus question des quatre élémens. Ce mot disparaît même du langage de la science. Celui de corps simples lui succède, et le nombre de ces derniers s’accroît de jour en jour. Tous les métaux prennent rang parmi eux. Quelque temps encore les terres, les alcalis dont les réactions indiquaient la nature complexe, échappent aux efforts de la chimie ; mais le génie de Volta découvre la pile, et cet instrument devient entre les mains de Davy un agent d’analyse que rien n’arrête. La chaux, la potasse, la soude, sont décomposées en un métal qui leur sert de radical et en oxigène : ce sont de simples oxides comme la rouille qui s’attache au fer ou au cuivre. Aujourd’hui le nombre des corps simples, c’est-à-dire des corps élémentaires dont la réunion donne naissance à tous les autres,